n-d-n on Sat, 9 Mar 2002 15:56:14 +0100 (CET) |
[Date Prev] [Date Next] [Thread Prev] [Thread Next] [Date Index] [Thread Index]
[nettime-fr] [[email protected]: Des squatteureuses s'invitent aux "rencontres internationales" mondaines des "Nouveaux territoires de l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (f�vrier 2002)] |
----- Forwarded message from Zanzara ath�e <[email protected]> ----- Date: Thu, 7 Mar 2002 18:15:13 +0100 From: Zanzara ath�e <[email protected]> X-Mailer: The Bat! (v1.53d) To: [email protected] Subject: Des squatteureuses s'invitent aux "rencontres internationales" mondaines des "Nouveaux territoires de l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (f�vrier 2002) Des squatteureuses d'un peu partout et d'ailleurs s'invitent aux "rencontres internationales" mondaines des "Nouveaux territoires de l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (14-15-16 f�vrier 2002) Du 14 au 16 f�vrier 2002, se tenaient � la Friche Belle de mai (Marseille) des "rencontres internationales" ayant pour cadre les "Nouveaux territoires de l'Art". �a s'intitulait pr�cis�ment " Rencontre Internationale : Nouveaux Territoires de l'Art - Espaces alternatifs - Friches - Fabriques - Projets pluridisciplinaires - Squats ". Le programme affirmait qu'il s'agirait de " 3 jours de contributions, ateliers, tables rondes et s�ances pl�ni�res pour interroger les contenus, finalit�s, singularit� et enjeux de ces d�marches. Libres, souples et ouverts, les d�bats seront enrichis par la pr�sentation de monographies d'exp�riences collect�es dans le monde ". Bon, jusqu'ici, �a aurait m�me presque pu para�tre int�ressant� Subvertir le vieux-monde entre autres par la cr�ation d'espaces autonomes, autog�r�s, o� l'on " cr�� ", justement. Evidemment, avec les liens qui existent entre diff�rents squats d'artistes r�formistes et le pouvoir �tatique, l'intitul� poussait � la m�fiance. A juste titre ! Car il s'agissait tout bonnement d'une " rencontre initi�e par le minist�re de la Culture et de la Communication, le secr�tariat d'Etat au Patrimoine et � la D�centralisation culturelle ", le tout " avec le soutien des minist�res de la Ville, de l'Emploi et de la Solidarit�, du secr�tariat d'Etat � l'�conomie solidaire, du Fonds d'Action Sociale, de l'Equipement ", et plein d'autres bidules tr�s rigolos dans le m�me style� avec le soutien de la Ville de Marseille et de son Maire raciste, bien s�r. Nous �tions donc quelques squatteureuses � vouloir y aller, pour nuire au consensus qui allait de toute �vidence y r�gner, et pour apporter un discours diff�rent, voire subversif, aux nombreuses personnes qui allaient s'y rendre pour autre chose que l�galiser des lieux� Notre action s'est limit�e � peu de choses, car nous ne voulions pas entrer dans un sch�ma de contestation spectaculaire qui fait souvent le jeu du "monde de l'art", justement. Nous ne voulions pas �tre les contestataires de service, mais plut�t apporter quelques id�es �labor�es : - Dans un premier temps, des questionnements, avec le texte "Atelier 4�", qui parodiait notamment l'intitul� de l'Atelier 4. - Dans un second temps, un discours critique pr�cis, reprenant notamment les d�clarations de la cr�me de l'institutionnalisation, avec le texte "Table ronde 4�", dont le titre parodiait celui de la Table ronde 4 ("Un autre monde ?"). D'apr�s les employ�-e-s de la Friche Belle de mai, 1200 personnes �taient inscrites pour participer � ces rencontres. Nous n'avons pas l'impression d'en avoir vu autant, mais il y avait chaque jour au moins 600 personnes� bien s�r, tr�s peu d'entre elles ont particip� aux "discussions", et les "ateliers" comme les "tables rondes" ressemblaient � s'y m�prendre � de vastes colloques lors desquels seul-e-s quelques intervenant-e-s sp�cialistes s'expriment. Pour plus d'infos sur ce qui s'est pass� lors de ces trois jours, contactez-nous : [email protected], [email protected], [email protected] _____________________________________ Le texte ATELIER 4 � qui suit a �t� distribu� � 600 exemplaires le jeudi 14 f�vrier 2002 dans l'enceinte de la Friche Belle de mai et notamment � l'entr�e de l'atelier 4. Il a �t� diffus� sous forme tract A5 : __________ ATELIER 4 � Nouveaux territoires de l'art, contr�le �tatique et non-r�invention des rapports sociaux Des Ministres, des secr�taires d'Etat, des s�nateurs, des maires, des artistes, des juristes, des politologues, des philosophes, des sociologues, des �conomistes, des directeurs, des am�nageurs de territoires� : quelle r�invention des r�les et des rapports sociaux ? L'art n'a-t-il pas toujours �t� un enjeu de pouvoir ? N'a-t-il pas souvent �t� garant de la paix sociale ? La cr�ation peut-elle s'abstraire du contexte social ? Peut-on parler de cr�ation libre dans un cadre institutionnel et/ou marchand ? L'Etat, contr�leur officiel des nouveaux territoires de l'art ? Plus li� au pouvoir que jamais par sa difficult� � le critiquer, l'art le plus "libre" n'est-il pas libre qu'en tant que spectacle d'une libert� de cr�ation dont tout le monde est en r�alit� d�poss�d� ? Sous la d�nomination "am�nagement du territoire", l'implantation des lieux artistico-culturels n'est-elle pas un pr�texte pour nettoyer les centre-ville des populations ind�sirables ? Mus�es, galeries, � maintenant friches, laboratoires, projets pluridisciplinaires, fabriques, squats "d'artistes", � : � quel point ces territoires normalis�s et/ou r�cup�r�s nourrissent-ils l'id�ologie dominante ? Les squats gentils et "utiles" sont-ils pour l'Etat un outil de stigmatisation et de criminalisation des squats m�chants et insubordonn�s ? L'Etat court apr�s les territoires turbulents qui �chappent � sa paternit� : de quoi a-t-il peur ? Aime-t-on oublier que le squat est par nature une critique en actes de la propri�t� priv�e ? Pour qui les individus pr�occup�s d'autogestion, d'autonomie, d'�mancipation, sont-ils dangereux ? Le sont-ils encore plus quand ils s'organisent collectivement dans des squats ? Le pseudo d�cloisonnement et la pr�tendue transversalit� d'une nouvelle fonction artistique ne sert-elle pas qu'� renforcer l'identit� divine de l'Artiste ? Qui menace-t-on en refusant d'endosser de quelconques r�les fig�s (tels que ceux d'artiste et de spectateur) et en d�passant la non-intervention qui caract�rise nos vies ? Les ersatz d'autogestion sont-ils un vaccin contre l'autogestion g�n�ralis�e ? Madeleine Albright (guerri�re, Etats-Unis), Babar l'�l�phant (Roi, C�leste-ville), Batman (super-h�ros, Gotham City), Pierre Bourdieu (sociologue, Paris), Dalida (chanteuse, Egypte), Louis de Fun�s (acteur, France), Steffi Graf (tenniswoman, Allemagne), Pablo Picasso (peintre, Espagne), Hubert V�drine (Ministre des Affaires Etrang�res, France) Des squatteureuses d'un peu partout et d'ailleurs _____________________________________ Le texte TABLE RONDE 4 � : UN MONDE DE MERDE ? qui suit a �t� distribu� � 500 exemplaires le samedi 16 f�vrier 2002 � la sortie de la table ronde 4 qui cl�turait les 3 jours de "rencontres". Il a �t� diffus� sous forme de feuillet (8p.A5). En derni�re page se trouvait le tableau intitul� LE LANGAGE DES NOUVEAUX EXPERTS DE L'ART : __________ TABLE RONDE 4 � : UN MONDE DE MERDE ? Lettre � Michel Duffour et � ses invit�-e-s. L'annonce de l'atelier 4 � vous a-t-elle plu ? Les �chos que nous en avons re�u �taient bizarrement plut�t positifs, probablement parce que cet atelier n'�tait pas r�ellement au programme, parce qu'il s'est donc limit� � poser quelques questions, parce que les rapports sociaux � " r�inventer "1 n'ont pas �t� �branl�s ailleurs que sur du papier� Pendant ces rencontres, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, c'est marrant. C'est tr�s " gauche plurielle " cette ambiance, c'est international et ouvert, � l'initiative de l'Etat fran�ais, avec le soutien de la Ville de Marseille, du Conseil g�n�ral des Bouches-du-Rh�ne et du Conseil r�gional PACA, en partenariat avec Air France (entre autres, bien s�r) : les sans-papiers vivant en France sont certainement heureuses et heureux de conna�tre l'existence de cette " rencontre internationale "2. Pour ces rencontres sur les " Nouveaux territoires de l'Art ", la langue de bois est de mise, on parle de " dispositif d'accompagnement mis en �uvre en France par le minist�re de la Culture et de la Communication " pour un " programme de soutien aux espaces et projets non-institutionnels "3. En langage courant, on appelle �a " l'institutionnalisation " de lieux jusqu'alors ind�pendants (de moins en moins car au fur et � mesure de plus en plus compromis). On peut consid�rer cela comme une mise sous tutelle. Le secr�taire d'Etat au Patrimoine et � la D�centralisation Culturelle Michel Duffour �crit dans sa lettre � Fabrice Lextrait (charg� du rapport " Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires� une nouvelle �poque de l'action culturelle ") que " face � la multiplication de ces projets, inscrits dans des contextes diff�rents de ceux des institutions culturelles identifi�es, le minist�re de la Culture doit s'interroger aujourd'hui sur les conditions et les modes d'interventions sp�cifiques qui pourraient accompagner ce mouvement profond "4. Fabrice Lextrait, quant � lui, s'interroge sur ces " nouveaux artistes " qui ouvrent de " nouveaux territoires ", les organisent et les vivent collectivement. Ces espaces sont " insaisissables ", " mouvants ", " ind�pendants ", " souples ", " ouverts "7 : on pourrait dire " libres " mais on le dit peu car �a pourrait �tre trop franc. " L'artiste " ne veut pas " �tre instrumentalis� dans le cadre d'une proc�dure publique "7 ? Qu'il se rassure : ses friches et autres " projets " de ce genre ne seront que " r�inscrits dans les proc�dures d'am�nagement (ex : Contrat de Plan Etat-R�gion, Contrat de Ville, Contrat d'Agglom�ration, de Pays,�) "7, rien de plus. Ses lieux de cr�ation se fondent sur des " principes d'autogestion "7 ? Qu'� cela ne tienne : l'Etat les suivra " par une �coute, un suivi et un accompagnement administratif renforc� " ou encore " par un soutien financier direct "7. " L'artiste " se veut " en prise directe avec la soci�t�, le r�el ", il a cr�� des lieux qui " se d�marquent [d'un] maillage ", disons carr�ment " contestataires " ? Heureusement que l'Etat affectionne cette contestation, et lui accorde " un soutien (�) transversal et puissant ", un " partenariat (�) le plus large possible "7. Au bout du compte soyons clair-e-s : ces espaces jouent " sur l'autonomie des acteurs "� " � l'int�rieur du syst�me " - l'expression n'est pas anodine. En gros Lextrait nous vend une ind�pendance biais�e (car chapeaut�e par l'Etat) et partielle (car emmagasin�e dans des lieux " alternatifs " bien identifi�s). Dr�le de fa�on de soutenir la libert�, excellente mani�re de la contr�ler. Le monde politicien voit de grandes choses se construire sans lui, le voil� qui accourt pour les codifier et les ramener � lui : la perspective de voir des gens se passer de lui le t�tanise. Il doit garder un r�le paternaliste et puissant. Pour ne jamais crever. " Vous voulez de l'autogestion ? En voici quelques ersatz, r�galez-vous. Si vous en voulez d'autres, nous nous chargerons de vous en confectionner. Bient�t nous les privatiserons et vous n'aurez plus qu'� les acheter. " Mais surtout nous devons rester consommateurs et consommatrices, demander puis dire merci, intervenir oui mais jusqu'� un certain point. Et arr�ter de penser � la r�volution. On pourrait faire un parall�le entre les exp�rimentations artistiques alternatives et l'agriculture biologique. L'un comme l'autre sont le reflet d'id�aux, que nous ne partageons pas n�cessairement, et sont des champs d'exp�rimentation que le pouvoir veut r�cup�rer. Il s'agit pour lui de mieux s'engouffrer dans des cr�neaux porteurs. Cr�neaux commerciaux �videmment : la rentabilit� est un crit�re qui est propre au syst�me capitaliste dans lequel s'inscrit l'Etat, et que celui-ci cherche � masquer sous des pr�occupations de sant� publique ou de bien-�tre social. Mais cr�neaux id�ologiques aussi, car il est n�cessaire � nos d�mocraties d'alimenter leur doctrine techno-capitaliste en la teintant d'�thique. Ainsi les labels dont l'Etat a affubl� l'agriculture biologique et bient�t, m�me s'il s'en d�fend pour l'instant, les friches, laboratoires, et autres squats " artistiques ", sont un moyen subtile et efficace de les r�cup�rer pour mieux les contr�ler. Vid�s de leur substance un tant soit peu contestataire, ces domaines donnent une caution morale � l'Etat et procurent l'illusion d'�tre privil�gi�-e-s aux consommateurs/trices. Comme si l'Etat pouvait �tre autre chose que LA structure du contr�le et du pouvoir, Michel Duffour affirme qu'une " approche respectueuse [des nouveaux territoires de l'art] et de ces projets atypiques implique une modernisation du fonctionnement de l'Etat et des collectivit�s publiques "5. Quelle modernisation, si ce n'est celle du contr�le et du pouvoir, justement ? L'alibi, bien s�r, c'est l'argent, " la question des moyens financiers dont on ne peut jamais se satisfaire si l'on entend aider l'�mergence de tous les talents "5. Et il le sait. Il brandit l'�tendard du bienveillant Etat fran�ais en disant croire " que l'on est d'autant plus cr�atif que l'on n'est pas pr�caire et soumis en permanence aux crit�res de la rentabilit� "5. Etre soumis-es au bon vouloir financier de l'Etat, n'est-ce pas une forme de pr�carit� ? Heureusement, Michel Duffour est " pour un dialogue permanent entre l'Art et le Politique, et r�solument contre toute instrumentalisation "5. Dis, Michel, tu nous la financerais, la r�volution qui nous m�nera � l'abolition simultan�e de l'Etat et de l'argent ? Respecterais-tu nos " projets atypiques " (" atypiques " pourquoi, d'ailleurs ? dans un syst�me de banalisation et normalisation extr�mes, il n'est pas inutile de se poser la question�)? En parlant de ces " initiatives atypiques "6, tu cherches " comment, sans les conduire � s'assagir, aider ces aventures � troubler l'ordre des choses "6. Evidemment, ces " initiatives atypiques " tu les as plut�t bien choisies : elles ne cherchent pas � " troubler l'ordre des choses " au point de vouloir r�volutionner la soci�t�. Ce serait excessif. La plupart ne veulent que quelques miettes, souvent synonymes d'int�gration� Et cela est tr�s bien expliqu� dans le rapport Lextrait : " Si des artistes, des publics, des op�rateurs, des d�cideurs politiques et institutionnels ont d�cid� de s'engager dans ces exp�riences, c'est parce qu'ils ne trouvaient pas, dans les lieux et les pratiques institu�s, la possibilit� d'inventer de nouvelles aventures culturelles fond�es sur la permanence artistique dans la cit�, dans le pays. La dynamique de cr�ation de ces nouveaux projets prend souvent sa source dans la rencontre d'artistes et de producteurs cherchant � r�unir les conditions �l�mentaires pour travailler avec des publics pr�ts � s'impliquer pour faciliter l'acc�s � des formes artistiques et culturelles n�glig�es dans les �quipements traditionnels. De fait, la capacit� � se mobiliser en tant qu'amateur pour favoriser la rencontre avec les �critures artistiques et les pratiques culturelles que l'on d�fend est l'un des principaux moteurs de cette dynamique "7. Et pour �a, quoi qu'en disent Duffour et Lextrait, il faut une connaissance des lieux subventionn�s, donc un contr�le id�ologique de leurs activit�s. M�me si " le plus souvent ces projets �chappent aux cadres de classement et d'�valuation classiques "8 parce qu'ils rechercheraient " ind�pendance et autonomie par rapport aux pouvoirs publics quel que soit le contexte dans lequel ils s'inscrivent, tout en revendiquant des relations n�goci�es de partenariat "8 (jolie pirouette qui r�ussit � lier les compromissions qui impliquent n�gociation et partenariat aux notions subversives d'ind�pendance et d'autonomie, c'est de la novlangue ?), le contr�le effectu� sur ces lieux, sur ce " mouvement profond ", semble relativement assum� : " un groupe de travail (�) a �t� constitu� pour r�fl�chir aux modes et indicateurs d'�valuation de ces nouvelles aventures. "5 Groupe de travail mis en place par des infrastructures �tatiques, bien s�r, comment pourrait-il en �tre autrement ? Paul Virilio est dr�le, quand il " esp�re que ces lieux seront des lieux r�fractaires � la marchandisation et � la grande liquidation. Les friches sont le contraire de la privatisation, m�me si elles n'en ont pas l'air. Ce sont des espaces critiques, des espaces en sursis, ce sont des espaces qui (�) seront rebelles � la grande politique culturelle qui s'annonce, celle des m�dias et des grands trusts "9. Rebelles aux alli�s de l'Etat, mais pas � l'Etat lui-m�me. L'Etat, il est doux comme un agneau, et la " grande politique culturelle ", il ne conna�t pas� Et puis, les m�dias, parlons-en : difficile d'�tre rebelles � ceux qui nous encensent, comme c'est le cas de la plupart des quotidiens fran�ais (le Monde, le Figaro, Lib�ration, l'Humanit�, la Croix) ou pour des journaux qui a priori n'ont pas grand chose en commun (le Monde Diplomatique et l'Express)10. Enfin, soyons clair-e-s, le minist�re de la Culture et de la Communication n'a pas eu beaucoup de mal � trouver des relations de confiance avec " des espaces ou des projets atypiques. L�, [Michel Duffour a] pris la mesure du nombre incroyable d'initiatives qui se d�veloppent hors du champ institutionnel "5. Hors de son propre champ, puis compl�tement dedans, ce qui fait dire � David Drouet, membre du collectif Station Mir : " Que se passe-t-il apr�s les longs discours ? Ce qui �tait au d�part une initiative d'artistes est d�sormais men�e par les �lus "11. En m�me temps, David, tu connais la publicit� : " parce que je le vaux bien ". Tu l'as bien cherch�, non ? Quand un Secr�taire d'Etat au Patrimoine en arrive � faire la promotion de certains squats (rappelons que tout squat fait la critique en actes, qu'il le veuille ou non, de la sacro-sainte propri�t� priv�e), il est difficile de ne pas se demander si ces " squats d'artistes " ne font pas le jeu d'un syst�me qui a besoin d'Art, de spectacle, de culture-loisir, d'un ensemble de connexions utiles � la bonne conservation d'une paix sociale tr�s " d�mocratique "� Il n'est pas tr�s �tonnant que le rapport Lextrait affirme l'air de rien que " l'existence d'une structure d'accueil et d'une structure de production qui assume les fonctions de pilotage du site, ainsi que les fonctions d'accompagnement des projets artistiques, est d�terminante dans les modes d'organisation et de r�gulation des r�sidences. "7 Un squat, �a peut se " r�gulariser "� H�, Yabon, chef " squartiste ", tu y arriveras, persiste, continue de te contenter de vouloir " des ateliers dans Paris "12, il n'y a vraiment pas de quoi d�sesp�rer� Des miettes, on finit toujours par en avoir. Dans tout ce fatras de banalit�s, nous sommes au regret de vous annoncer qu'il n'y a la aucun " nouveau rapport entre l'art et la soci�t� "13, la " pr�sence in�dite des artistes dans la cit� "13 n'a rien de nouveau, la seule diff�rence �tant la tol�rance assum�e de l'Etat pour certains projets qu'il subventionne� D�sol�-e-s, pas de " changement d'�poque de fonction sociale de l'art "13. Tant qu'il est plac� sous l'aile (m�me quand elle se pr�tend protectrice) d'une autorit� institutionnelle (Etat, march�, m�c�nes, �), l'art garde ce r�le d'alli� subalterne du pouvoir. Evidemment, lors de ces trois jours � la Friche La Belle de Mai, " la contribution de l'art � la transformation de la soci�t� "13 est rest�e nulle. Nulle, si l'on entend par " transformation de la soci�t� " le bouleversement des rapports sociaux. Dans la forme comme dans le contenu, ateliers et tables rondes ont perp�tu� la hi�rarchie sociale. Des sp�cialistes ont dialogu� entre eux/elles devant d'importantes assembl�es muettes de personnes pourtant tr�s concern�es par les sujets trait�s. L'insistance avec laquelle les r�les de chacun-e �taient conserv�s �tait digne des milieux les plus r�actionnaires (et cela bien au-del� des activit�s " culturelles " de ces trois jours, puisque de nombreuses/nombreux employ�-e-s, en tant que femmes/hommes de m�nage, cuisinier-e-s, serveurs/euses, hotes-ses d'accueil, �taient cantonn�-e-s dans des r�les plus ou moins invisibles et/ou m�pris�-e-s), alors quand nous entendons tou-te-s ces sp�cialistes parler de " r�inventer " les rapports sociaux, nous avons � peine envie de leur dire que c'�tait totalement ridicule de vouloir " confronter ces exp�riences [les fameux nouveaux territoires de l'art] dans leur diversit� afin de mieux mettre en �vidence ce qui les distingue et ce qui les relie � travers le monde "14. Le r�le de l'artiste, lui, est mythifi�. Le rapport Lextrait rencontre des " nouveaux artistes " et s'en �bahit. Il se trouve soudain face � une profession surprenante, presque effrayante : " l'artiste " que l'Etat d�couvre semble presque ne plus en �tre un, il a l'air de remettre en cause, dans ses propres pratiques, la notion m�me de profession, de m�tier, de fonction sociale, il ne se cantonne plus � un r�le, il exp�rimente la richesse d'une vie et la globalit� de sa personne. Le pouvoir, perdu, cherche ses mots pour qualifier cet �clatement d'un statut social : " transversalit� ", " hybridation ", " pluridisciplinarit� ", " d�cloisonnement ", " simultan�it� ", " multiplication des fonctions "7� Il cherche un vocabulaire connu et rassurant pour se cacher ce qu'il a peur d'apercevoir : il parle " d'une nouvelle fonction ", de " red�finir un m�tier de producteur artistique "7. L'id�e est �videmment de constater chaque petite r�volution en la ramenant d�licatement dans la logique traditionnelle. " L'artiste " remet en question l'id�e de profession ? C'est qu'il recr�e une nouvelle profession, une profession de la non-profession. " L'artiste " semble d�passer un r�le social �triqu� ? C'est que lui et lui seul a droit � ce privil�ge, � ce r�le social qu'on va nommer � tout va, dont on va remplir des pages : un jour on finira bien par l'affubler d'un grand A, de peur de le voir s'effacer. " Artiste, artiste, artiste ". Pour mieux transformer les gens en moutons, on conf�re � l'artiste le droit et le devoir de " troubler l'ordre des choses ". Plus besoin de contester, l'art le fait � notre place : il sait construire un discours, interpeller, choquer. L'art tel qu'il est con�u a une vocation cathartique : faire que le/la spectateur/trice exorcise ses craintes, �vacue sa r�volte en recevant passivement " l'�uvre ". Pourquoi alors faire la r�volution dans la r�alit� puisqu'on la repr�sente si bien dans l'art ? Nous n'envisageons pas l'art comme art, mais les pratiques consid�r�es " artistiques " comme partie prenante de nos quotidiens. Il s'agit pour nous de mettre en acte dans la r�alit� ce que d'autres se contenteraient d'exprimer dans l'art. Si nous avons des pratiques " artistiques ", elles suscitent une sorte d'insatisfaction qui a besoin d'�tre compl�t�e par l'action r�elle. Elles n'ont pas de statut particulier et ne sont pas r�serv�es � des sp�cialistes. C'est tou-te-s que nous exprimons nos craintes, nos r�voltes, nos amours, par tous les modes que nous inventons, que nous nous r�approprions, que nous d�tournons� Etre utiles n'est pas notre souci. Nous ne voulons pas laisser aux artistes le monopole de l'inutilit�. Nous cr�ons, nous bidouillons, nous nous exprimons tous les jours en bon-ne-s artistes quotidien-ne-s et nos oeuvres inestimables, ce sont nos propres existences. Nous nous r�approprions une globalit�, une libert� et une jouissance qu'on veut r�server � la fonction artistique. Nous n'avons pas besoin de revendiquer une posture, un qualificatif ou un statut reconnus par l'Etat. On nous traitera d'utopistes. Normal, c'est la meilleure mani�re d'�vacuer les questions de fond. Dans la culture comme dans l'�conomie, il vaut mieux penser des strat�gies de surface, de court terme, qui rendent la r�alit� plus supportable, qui retardent et amplifient les catastrophes prochaines, plut�t que de se pencher sur les racines de la mis�re du monde. Le Sud meurt de faim, le Nord meurt d'ennui et d'asepsie, mais les deux h�misph�res ne sont que les deux pans d'une m�me pourriture. Et on se qualifie pompeusement de pragmatiques quand notre action se limite � se boucher le nez. Nous voulons d�boucher des naseaux, en commen�ant par les n�tres, et rappeler que tous les outils existent pour choisir " un autre monde ". Que la seule chose qui manque, et depuis longtemps, c'est la volont� politique. Non pas la volont� politique des politicien-ne-s, mais celle de chacun-e, cette volont� politique qu'on veut encore une fois circonscrire � une �lite mais qui n'est en r�alit� que la capacit� et l'envie, pour chaque individu, de r�fl�chir et de prendre part � l'organisation collective de sa soci�t�. Nous ne parlons pas de d�mocratie, encore moins de d�mocratie participative, nous ne parlons d'aucun syst�me qui croit encore � l'utilit� d'experts-directeurs de la vie de millions de personnes. Nous voulons parler d'autogestion g�n�ralis�e. Et nous pensons que " le v�ritable d�fi de notre temps "7, les s�minaires les plus cruciaux, seront des palabres de rue et des exp�riences de vie qui poseront la question des pistes et des tentatives vers cette autogestion, cette �mancipation, cette autonomie, tellement d�courag�e qu'on ne veut jamais l'embrasser. Il ne nous a pas sembl� dans ce colloque apercevoir de quelconque confrontation constructive � l'exception de rencontres informelles qui pouvaient avoir lieu hors de vos chapiteaux mondains� Quand un chef de friche dit vouloir " cultiver l'ordinaire pour rendre le monde supportable "15, nous r�pondons qu'il n'y a rien de chouette ou d'extraordinaire � cultiver et reproduire l'ordinaire et les oppressions qui l'accompagnent. Le monde n'en deviendra pas moins insupportable, et m�me s'il devenait " supportable ", �a ne nous suffirait pas. Voil� pourquoi nous avons abandonn� la partie quand elle se joue sur le terrain du pouvoir. Nous n'avons pas particip� � ce colloque, nous n'y avons pas dialogu�, au grand dam de certains organisateurs et de certaines organisatrices. Nous ne croyons pas pouvoir construire quoi que ce soit sur des bases aussi moisies. Nous sommes venu-e-s pour rappeler que des gens cr�ent, pensent et ressentent, rient et pleurent, b�tissent et d�construisent, s'activent et glandent, dans des squats et d'autres lieux de vie collective, en marge autant que possible des cadres institutionnels et marchands. Que des choses intenses s'y jouent, s'y �laborent et s'y vivent, sans salaire ni hi�rarchie ni subvention ni permission. Nous pr�f�rons cette vie � celle que la pub nous vend, que l'art nous raconte et que l'Etat nous sugg�re avec assez d'insistance pour brouiller les autres possibilit�s. Ce sont ces autres possibilit�s qui nous d�mangent : nous les grattons avec d�lectation. Des squatteureuses d'un peu partout et d'ailleurs [Texte �crit " � l'arrache " par trois personnes, dans la nuit du 15 au 16 f�vrier 2002] Notes : 1. Programme de la rencontre internationale " Nouveaux territoires de l'art ", Atelier 4, table ronde 4. 2. puisque c'est ainsi que ces 3 jours sont pr�sent�s dans le programme : " Rencontre internationale- Nouveaux Territoires de l'art - friches, laboratoires, projets pluridisciplinaires, fabriques, squats " 3. Dossier de presse laisser par la friche la Belle de Mai au sujet de la rencontre internationale " Nouveaux territoires de l'Art " 4. Lettre du 17 octobre 2000, publi�e dans le rapport Lextrait. 5. Interview de Michel Duffour dans le quotidien " La Marseillaise " du 14 f�vrier 2002. 6. In " La Marseillaise " du 14 f�vrier 2002, cit� par Denis Bonneville dans l'article " Friches en t�tes ". 7. Voir r�sum� du rapport Lextrait. 8. Edito de Claudine Dussollier et Fabrice Raffin in " Le Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 14 f�vrier 2002. 9. Interview de Paul Virilio in " Le Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 14 f�vrier 2002, page 27. 10. In " Le Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 14 f�vrier 2002, page 30. 11. Cit� par Bruno Masi dans l'article " foire aux friches d'artistes � Marseille " in Lib�ration du 14 f�vrier 2002. 12. " Grogne chez les squartistes ! ! ! " in le " Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 15 f�vrier 2002. 13. Pr�sentation de la rencontre " Nouveaux territoires de l'Art " par Michel Duffour, dans la premi�re plaquette de pr�sentation. 14. Edito de Fabrice Raffin in " Journal Programme, Friche la Belle de Mai " de janvier/f�vrier/mars 2002, page 8. 15. Philippe Foulqui� in " Journal Programme, Friche la Belle de Mai " de janvier/f�vrier/mars 2002, page 2. Pour toute critique, toute remarque, tout contact : ZA (ZonArd-e-s) c/o maloka, bp 536, 21014 Dijon cedex, france [email protected], [email protected], [email protected] Pour toute info sur des squats, allez faire un tour sur : https://squat.net _____________________________________ Pour lire le tableau "Le langage des nouveaux experts de l'art", ouvrez le fichier joint... _____________________________________ Vous pouvez �galement en savoir plus, et avoir une id�e plus pr�cise de ce qui se trame autour de ces questions d'art, de lieux "alternatifs", de squats, de l�galisation et d'Etat, en allant faire un tour sur les sites de la friche Belle de mai et du gouvernement... : Sur la rencontre "Les Nouveaux Territoires de l'Art" : http://www.culture.fr/culture/actualites/index-flextrait.htm Plus d'infos sur le programme : http://www.lafriche.org/nta/fr/ Pour une pr�sentation de la Friche Belle de mai par elle m�me : http://www.lafriche.org/friche/friche/index.html Le rapport Lextrait, command� par le secr�taire d'Etat au patrimoine et � la d�centralisation culturelle Michel Duffour, est sur : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/lextrait/sommaire.htm L'Etat �voque sa main mise sur des exp�riences "alternatives" artistiques : http://www.culture.fr/culture/actualites/index-flextrait.htm ----- End forwarded message ----- -- - d8b db d888b d8b db 888o 88 88 YD 888o 88 88V8o 88 88 YD 88V8o 88 88 V8o88 88 dP 88 V8o88 88 V888 88 dP 88 V888 VP V8P Y888P VP V8P - R�ponse � [email protected] _____________________________________________ #<[email protected]> est une liste francophone de politique, art et culture lies au Net; annonces et filtrage collectif de textes. #Cette liste est moderee, pas d'utilisation commerciale sans permission. #Archive: http://www.nettime.org contact: [email protected] #Desabonnements http://ada.eu.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr #Contact humain <[email protected]>