n-d-n on Sat, 9 Mar 2002 15:56:14 +0100 (CET)


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[nettime-fr] [[email protected]: Des squatteureuses s'invitent aux "rencontres internationales" mondaines des "Nouveaux territoires de l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (f�vrier 2002)]


----- Forwarded message from Zanzara ath�e <[email protected]> -----

Date: Thu, 7 Mar 2002 18:15:13 +0100
From: Zanzara ath�e <[email protected]>
X-Mailer: The Bat! (v1.53d)
To: [email protected]
Subject: Des squatteureuses s'invitent aux "rencontres internationales" mondaines des "Nouveaux territoires de l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (f�vrier 2002)

Des  squatteureuses  d'un  peu  partout  et  d'ailleurs s'invitent aux
"rencontres  internationales"  mondaines  des "Nouveaux territoires de
l'art" � la Friche Belle de mai, Marseille (14-15-16 f�vrier 2002)  


Du  14  au  16  f�vrier  2002,  se  tenaient  � la Friche Belle de mai
(Marseille)  des  "rencontres  internationales"  ayant  pour cadre les
"Nouveaux   territoires  de  l'Art".  �a  s'intitulait  pr�cis�ment  "
Rencontre  Internationale  :  Nouveaux  Territoires de l'Art - Espaces
alternatifs  -  Friches  -  Fabriques  - Projets pluridisciplinaires -
Squats  ".  Le  programme  affirmait  qu'il  s'agirait de " 3 jours de
contributions,  ateliers,  tables  rondes  et  s�ances  pl�ni�res pour
interroger  les  contenus,  finalit�s,  singularit�  et  enjeux de ces
d�marches.  Libres, souples et ouverts, les d�bats seront enrichis par
la  pr�sentation  de  monographies  d'exp�riences  collect�es  dans le
monde ".  Bon,  jusqu'ici,  �a  aurait  m�me  presque  pu  para�tre
int�ressant�  Subvertir  le  vieux-monde  entre autres par la cr�ation
d'espaces autonomes, autog�r�s, o� l'on " cr�� ", justement.
Evidemment,  avec  les  liens  qui  existent  entre  diff�rents squats
d'artistes  r�formistes  et le pouvoir �tatique, l'intitul� poussait �
la   m�fiance.  A juste titre ! Car il s'agissait tout bonnement d'une
" rencontre   initi�e   par  le  minist�re  de  la  Culture  et  de  la
Communication,   le   secr�tariat   d'Etat  au  Patrimoine  et  �  la
D�centralisation  culturelle  ",  le  tout  "  avec  le  soutien  des
minist�res  de  la  Ville,  de  l'Emploi  et  de  la  Solidarit�,  du
secr�tariat d'Etat � l'�conomie solidaire, du Fonds d'Action Sociale,
de l'Equipement ", et plein d'autres bidules tr�s rigolos dans le m�me
style�  avec  le  soutien  de  la  Ville  de Marseille et de son Maire
raciste, bien s�r.  

Nous �tions donc quelques squatteureuses � vouloir y aller, pour nuire
au  consensus  qui allait de toute �vidence y r�gner, et pour apporter
un  discours  diff�rent, voire subversif, aux nombreuses personnes qui
allaient s'y rendre pour autre chose que l�galiser des lieux�   

Notre  action  s'est limit�e � peu de choses, car nous ne voulions pas
entrer  dans  un sch�ma de contestation spectaculaire qui fait souvent
le  jeu  du "monde de l'art", justement. Nous ne voulions pas �tre les
contestataires  de  service,  mais  plut�t  apporter  quelques  id�es
�labor�es :
-  Dans  un premier temps, des questionnements, avec le texte "Atelier
4�", qui parodiait notamment l'intitul� de l'Atelier 4.
-  Dans  un  second  temps,  un  discours  critique  pr�cis, reprenant
notamment  les  d�clarations  de  la cr�me de l'institutionnalisation,
avec  le  texte  "Table ronde 4�", dont le titre parodiait celui de la
Table ronde 4 ("Un autre monde ?").   

D'apr�s  les  employ�-e-s  de  la  Friche Belle de mai, 1200 personnes
�taient  inscrites  pour participer � ces rencontres. Nous n'avons pas
l'impression  d'en  avoir  vu  autant,  mais il y avait chaque jour au
moins  600  personnes�  bien s�r, tr�s peu d'entre elles ont particip�
aux  "discussions",  et  les  "ateliers"  comme  les  "tables  rondes"
ressemblaient  �  s'y  m�prendre  �  de vastes colloques lors desquels
seul-e-s quelques intervenant-e-s sp�cialistes s'expriment.   

Pour plus d'infos sur ce qui s'est pass� lors de ces trois jours, contactez-nous : 
[email protected], [email protected], [email protected]

_____________________________________

Le  texte  ATELIER  4  � qui suit a �t� distribu� � 600 exemplaires le
jeudi  14  f�vrier  2002  dans l'enceinte de la Friche Belle de mai et
notamment � l'entr�e de l'atelier 4. Il a �t� diffus� sous forme tract A5 :
__________

ATELIER 4 �
Nouveaux  territoires  de  l'art, contr�le �tatique et non-r�invention
des rapports sociaux

Des  Ministres, des secr�taires d'Etat, des s�nateurs, des maires, des
artistes,  des  juristes,  des  politologues,  des  philosophes,  des
sociologues,  des  �conomistes,  des  directeurs,  des  am�nageurs  de
territoires� : quelle r�invention des r�les et des rapports sociaux ?   
L'art n'a-t-il pas toujours �t� un enjeu de pouvoir ? 
N'a-t-il pas souvent �t� garant de la paix sociale ? 
La cr�ation peut-elle s'abstraire du contexte social ? 
Peut-on  parler  de  cr�ation libre dans un cadre institutionnel et/ou
marchand ?
L'Etat, contr�leur officiel des nouveaux territoires de l'art ?
Plus li� au pouvoir que jamais par sa difficult� � le critiquer, l'art
le  plus  "libre"  n'est-il  pas  libre qu'en tant que spectacle d'une
libert� de cr�ation dont tout le monde est en r�alit� d�poss�d� ?
Sous  la  d�nomination "am�nagement du territoire", l'implantation des
lieux artistico-culturels n'est-elle pas un pr�texte pour nettoyer les
centre-ville des populations ind�sirables ?
Mus�es,   galeries,   �  maintenant  friches,  laboratoires,  projets
pluridisciplinaires,  fabriques, squats "d'artistes", � : � quel point
ces territoires normalis�s et/ou r�cup�r�s nourrissent-ils l'id�ologie
dominante ?
Les  squats  gentils  et  "utiles"  sont-ils  pour  l'Etat un outil de
stigmatisation   et   de   criminalisation  des  squats  m�chants  et
insubordonn�s ?
L'Etat  court  apr�s  les  territoires  turbulents  qui �chappent � sa
paternit� : de quoi a-t-il peur ?
Aime-t-on oublier que le squat est par nature une critique en actes de
la propri�t� priv�e ?
Pour   qui   les  individus  pr�occup�s  d'autogestion,  d'autonomie,
d'�mancipation, sont-ils dangereux ? Le sont-ils encore plus quand ils
s'organisent collectivement dans des squats ?
Le  pseudo  d�cloisonnement  et  la  pr�tendue  transversalit�  d'une
nouvelle   fonction   artistique  ne  sert-elle  pas  qu'�  renforcer
l'identit� divine de l'Artiste ?
Qui  menace-t-on  en  refusant  d'endosser  de quelconques r�les fig�s
(tels  que  ceux  d'artiste  et  de  spectateur)  et  en  d�passant la
non-intervention qui caract�rise nos vies ?
Les  ersatz  d'autogestion  sont-ils  un  vaccin  contre l'autogestion
g�n�ralis�e ? 


        Madeleine  Albright  (guerri�re, Etats-Unis), Babar l'�l�phant
        (Roi,  C�leste-ville),  Batman  (super-h�ros,  Gotham  City),
        Pierre   Bourdieu  (sociologue,  Paris),  Dalida  (chanteuse,
        Egypte),   Louis  de  Fun�s  (acteur,  France),  Steffi  Graf
        (tenniswoman,  Allemagne),  Pablo  Picasso (peintre, Espagne),
        Hubert V�drine (Ministre des Affaires Etrang�res, France)     

Des squatteureuses d'un peu partout et d'ailleurs


_____________________________________

Le  texte  TABLE  RONDE  4  �  :  UN  MONDE  DE MERDE ? qui suit a �t�
distribu�  �  500 exemplaires le samedi 16 f�vrier 2002 � la sortie de
la  table  ronde 4 qui cl�turait les 3 jours de "rencontres". Il a �t�
diffus�  sous  forme de feuillet (8p.A5). En derni�re page se trouvait
le tableau intitul� LE LANGAGE DES NOUVEAUX EXPERTS DE L'ART :
__________

TABLE RONDE 4 � : UN MONDE DE MERDE ?
Lettre � Michel Duffour et � ses invit�-e-s.


L'annonce  de  l'atelier 4 � vous a-t-elle plu ? Les �chos que nous en
avons re�u �taient bizarrement plut�t positifs, probablement parce que
cet  atelier  n'�tait  pas  r�ellement au programme, parce qu'il s'est
donc limit� � poser quelques questions, parce que les rapports sociaux
� " r�inventer "1 n'ont pas �t� �branl�s ailleurs que sur du papier�
Pendant  ces  rencontres,  tout le monde il est beau, tout le monde il
est  gentil,  c'est  marrant.  C'est  tr�s  " gauche plurielle " cette
ambiance,  c'est  international  et  ouvert,  � l'initiative de l'Etat
fran�ais, avec le soutien de la Ville de Marseille, du Conseil g�n�ral
des  Bouches-du-Rh�ne et du Conseil r�gional PACA, en partenariat avec
Air  France  (entre  autres,  bien  s�r)  : les sans-papiers vivant en
France sont certainement heureuses et heureux de conna�tre l'existence
de cette " rencontre internationale "2.

Pour  ces  rencontres  sur  les  " Nouveaux territoires de l'Art ", la
langue  de bois est de mise, on parle de " dispositif d'accompagnement
mis  en  �uvre  en  France  par  le  minist�re  de la Culture et de la
Communication  " pour un " programme de soutien aux espaces et projets
non-institutionnels   "3.   En   langage  courant,  on  appelle  �a  "
l'institutionnalisation  " de lieux jusqu'alors ind�pendants (de moins
en  moins  car  au fur et � mesure de plus en plus compromis). On peut
consid�rer  cela  comme une mise sous tutelle. Le secr�taire d'Etat au
Patrimoine  et  �  la D�centralisation Culturelle Michel Duffour �crit
dans  sa  lettre  �  Fabrice  Lextrait  (charg�  du rapport " Friches,
laboratoires,  fabriques,  squats,  projets  pluridisciplinaires�  une
nouvelle   �poque   de  l'action  culturelle  ")  que  "  face  �  la
multiplication  de ces projets, inscrits dans des contextes diff�rents
de  ceux  des institutions culturelles identifi�es, le minist�re de la
Culture  doit s'interroger aujourd'hui sur les conditions et les modes
d'interventions  sp�cifiques  qui  pourraient accompagner ce mouvement
profond "4.   

Fabrice Lextrait, quant � lui, s'interroge sur ces " nouveaux artistes
"  qui  ouvrent  de  "  nouveaux  territoires ", les organisent et les
vivent collectivement. Ces espaces sont " insaisissables ", " mouvants
",  "  ind�pendants  ", " souples ", " ouverts "7 : on pourrait dire "
libres  "  mais  on  le  dit  peu  car  �a pourrait �tre trop franc. "
L'artiste  "  ne  veut  pas " �tre instrumentalis� dans le cadre d'une
proc�dure  publique  "7  ?  Qu'il se rassure : ses friches et autres "
projets  "  de ce genre ne seront que " r�inscrits dans les proc�dures
d'am�nagement  (ex  :  Contrat  de Plan Etat-R�gion, Contrat de Ville,
Contrat  d'Agglom�ration,  de  Pays,�)  "7, rien de plus. Ses lieux de
cr�ation  se  fondent sur des " principes d'autogestion "7 ? Qu'� cela
ne  tienne  :  l'Etat  les  suivra  "  par  une �coute, un suivi et un
accompagnement  administratif  renforc�  "  ou encore " par un soutien
financier  direct "7. " L'artiste " se veut " en prise directe avec la
soci�t�,  le  r�el  ",  il a cr�� des lieux qui " se d�marquent [d'un]
maillage  ",  disons  carr�ment  " contestataires " ? Heureusement que
l'Etat affectionne cette contestation, et lui accorde " un soutien (�)
transversal et puissant ", un " partenariat (�) le plus large possible
"7.   Au  bout  du  compte soyons clair-e-s : ces espaces jouent " sur
l'autonomie des acteurs "� " � l'int�rieur du syst�me " - l'expression
n'est pas anodine. En gros Lextrait nous vend une ind�pendance biais�e
(car  chapeaut�e  par  l'Etat)  et partielle (car emmagasin�e dans des
lieux " alternatifs "  bien identifi�s). Dr�le de fa�on de soutenir la
libert�,  excellente mani�re de la contr�ler. Le monde politicien voit
de  grandes  choses  se construire sans lui, le voil� qui accourt pour
les codifier et les ramener � lui : la perspective de voir des gens se
passer  de  lui  le  t�tanise.  Il doit garder un r�le paternaliste et
puissant.  Pour  ne jamais crever. " Vous voulez de l'autogestion ? En
voici  quelques ersatz, r�galez-vous. Si vous en voulez d'autres, nous
nous   chargerons   de   vous  en  confectionner.  Bient�t  nous  les
privatiserons  et  vous  n'aurez plus qu'� les acheter. " Mais surtout
nous devons rester consommateurs et consommatrices, demander puis dire
merci,  intervenir  oui  mais  jusqu'� un certain point. Et arr�ter de
penser � la r�volution.   


On  pourrait faire un parall�le entre les exp�rimentations artistiques
alternatives  et  l'agriculture biologique. L'un comme l'autre sont le
reflet  d'id�aux,  que  nous ne partageons pas n�cessairement, et sont
des  champs d'exp�rimentation que le pouvoir veut r�cup�rer. Il s'agit
pour  lui  de  mieux s'engouffrer dans des cr�neaux porteurs. Cr�neaux
commerciaux  �videmment : la rentabilit� est un crit�re qui est propre
au  syst�me  capitaliste dans lequel s'inscrit l'Etat, et que celui-ci
cherche  �  masquer  sous  des  pr�occupations de sant� publique ou de
bien-�tre  social.  Mais  cr�neaux  id�ologiques  aussi,  car  il  est
n�cessaire    �    nos   d�mocraties   d'alimenter   leur   doctrine
techno-capitaliste  en  la  teintant  d'�thique. Ainsi les labels dont
l'Etat  a  affubl� l'agriculture biologique et bient�t, m�me s'il s'en
d�fend  pour  l'instant, les friches, laboratoires, et autres squats "
artistiques ", sont un moyen subtile et efficace de les r�cup�rer pour
mieux  les  contr�ler.  Vid�s  de  leur  substance  un  tant  soit peu
contestataire,  ces  domaines  donnent  une caution morale � l'Etat et
procurent  l'illusion  d'�tre privil�gi�-e-s aux consommateurs/trices.

Comme  si l'Etat pouvait �tre autre chose que LA structure du contr�le
et  du  pouvoir, Michel Duffour affirme qu'une " approche respectueuse
[des  nouveaux  territoires  de  l'art]  et  de  ces projets atypiques
implique  une  modernisation  du  fonctionnement  de  l'Etat  et  des
collectivit�s publiques "5. Quelle modernisation, si ce n'est celle du
contr�le et du pouvoir, justement ? L'alibi, bien s�r, c'est l'argent,
"  la  question  des  moyens  financiers  dont  on  ne  peut jamais se
satisfaire si l'on entend aider l'�mergence de tous les talents "5. Et
il  le  sait.  Il  brandit l'�tendard du bienveillant Etat fran�ais en
disant  croire " que l'on est d'autant plus cr�atif que l'on n'est pas
pr�caire  et  soumis  en permanence aux crit�res de la rentabilit� "5.
Etre  soumis-es  au  bon vouloir financier de l'Etat, n'est-ce pas une
forme  de  pr�carit�  ?  Heureusement,  Michel  Duffour  est " pour un
dialogue  permanent  entre l'Art et le Politique, et r�solument contre
toute  instrumentalisation "5. Dis, Michel, tu nous la financerais, la
r�volution  qui  nous  m�nera � l'abolition simultan�e de l'Etat et de
l'argent  ?  Respecterais-tu  nos " projets atypiques " (" atypiques "
pourquoi,   d'ailleurs   ?   dans   un  syst�me  de  banalisation  et
normalisation extr�mes, il n'est pas inutile de se poser la question�)?
En  parlant  de ces " initiatives atypiques "6, tu cherches " comment,
sans  les conduire � s'assagir, aider ces aventures � troubler l'ordre
des  choses  "6.  Evidemment,  ces " initiatives atypiques " tu les as
plut�t bien choisies : elles ne cherchent pas � " troubler l'ordre des
choses  "  au  point  de  vouloir  r�volutionner la soci�t�. Ce serait
excessif.  La  plupart  ne  veulent  que  quelques  miettes,  souvent
synonymes  d'int�gration�  Et  cela  est  tr�s  bien  expliqu� dans le
rapport  Lextrait  :   " Si des artistes, des publics, des op�rateurs,
des  d�cideurs  politiques  et institutionnels ont d�cid� de s'engager
dans  ces  exp�riences, c'est parce qu'ils ne trouvaient pas, dans les
lieux  et  les  pratiques  institu�s,  la  possibilit�  d'inventer  de
nouvelles  aventures  culturelles fond�es sur la permanence artistique
dans  la  cit�, dans le pays. La dynamique de cr�ation de ces nouveaux
projets  prend  souvent  sa  source dans la rencontre d'artistes et de
producteurs  cherchant  �  r�unir  les  conditions  �l�mentaires  pour
travailler avec des publics pr�ts � s'impliquer pour faciliter l'acc�s
� des formes artistiques et culturelles n�glig�es dans les �quipements
traditionnels.  De fait, la capacit� � se mobiliser en tant qu'amateur
pour  favoriser  la  rencontre  avec  les �critures artistiques et les
pratiques  culturelles que l'on d�fend est l'un des principaux moteurs
de  cette  dynamique  "7.  Et  pour  �a,  quoi qu'en disent Duffour et
Lextrait,  il  faut  une connaissance des lieux subventionn�s, donc un
contr�le id�ologique de leurs activit�s. M�me si " le plus souvent ces
projets  �chappent aux cadres de classement et d'�valuation classiques
"8  parce  qu'ils  rechercheraient  "  ind�pendance  et  autonomie par
rapport aux pouvoirs publics quel que soit le contexte dans lequel ils
s'inscrivent,   tout  en  revendiquant  des  relations  n�goci�es  de
partenariat  "8 (jolie pirouette qui r�ussit � lier les compromissions
qui  impliquent  n�gociation  et  partenariat  aux notions subversives
d'ind�pendance  et  d'autonomie, c'est de la novlangue ?), le contr�le
effectu�  sur  ces  lieux,  sur  ce  "  mouvement  profond  ",  semble
relativement  assum� : " un groupe de travail (�) a �t� constitu� pour
r�fl�chir  aux  modes  et  indicateurs  d'�valuation  de ces nouvelles
aventures.  "5  Groupe de travail mis en place par des infrastructures
�tatiques, bien s�r, comment pourrait-il en �tre autrement ?

Paul  Virilio  est  dr�le,  quand il " esp�re que ces lieux seront des
lieux  r�fractaires  �  la marchandisation et � la grande liquidation.
Les  friches sont le contraire de la privatisation, m�me si elles n'en
ont  pas  l'air. Ce sont des espaces critiques, des espaces en sursis,
ce  sont  des  espaces  qui  (�) seront rebelles � la grande politique
culturelle  qui  s'annonce,  celle des m�dias et des grands trusts "9.
Rebelles  aux alli�s de l'Etat, mais pas � l'Etat lui-m�me. L'Etat, il
est  doux  comme un agneau, et la  " grande politique culturelle ", il
ne  conna�t  pas�  Et  puis, les m�dias, parlons-en : difficile d'�tre
rebelles  �  ceux qui nous encensent, comme c'est le cas de la plupart
des  quotidiens fran�ais (le Monde, le Figaro, Lib�ration, l'Humanit�,
la  Croix)  ou pour des journaux qui a priori n'ont pas grand chose en
commun (le Monde Diplomatique et l'Express)10.

Enfin,  soyons  clair-e-s,  le  minist�re  de  la  Culture  et  de  la
Communication  n'a  pas  eu beaucoup de mal � trouver des relations de
confiance  avec  "  des  espaces ou des projets atypiques. L�, [Michel
Duffour  a]  pris  la mesure du nombre incroyable d'initiatives qui se
d�veloppent hors du champ institutionnel "5. Hors de son propre champ,
puis  compl�tement  dedans, ce qui fait dire � David Drouet, membre du
collectif Station Mir : " Que se passe-t-il apr�s les longs discours ?
Ce  qui  �tait au d�part une initiative d'artistes est d�sormais men�e
par  les  �lus  "11. En m�me temps, David, tu connais la publicit� : "
parce que je le vaux bien ". Tu l'as bien cherch�, non ?
Quand  un  Secr�taire  d'Etat  au  Patrimoine  en  arrive  �  faire la
promotion  de  certains  squats  (rappelons  que  tout  squat  fait la
critique  en  actes,  qu'il  le  veuille  ou  non,  de la sacro-sainte
propri�t�  priv�e),  il  est  difficile de ne pas se demander si ces "
squats  d'artistes  "  ne  font  pas  le jeu d'un syst�me qui a besoin
d'Art,  de  spectacle,  de culture-loisir, d'un ensemble de connexions
utiles  � la bonne conservation d'une paix sociale tr�s " d�mocratique
"� Il n'est pas tr�s �tonnant que le rapport Lextrait affirme l'air de
rien que " l'existence d'une structure d'accueil et d'une structure de
production qui assume les fonctions de pilotage du site, ainsi que les
fonctions  d'accompagnement  des projets artistiques, est d�terminante
dans  les  modes d'organisation et de r�gulation des r�sidences. "7 Un
squat, �a peut se " r�gulariser "�
H�,  Yabon, chef " squartiste ", tu y arriveras, persiste, continue de
te  contenter  de  vouloir  "  des  ateliers  dans Paris "12, il n'y a
vraiment pas de quoi d�sesp�rer� Des miettes, on finit toujours par en
avoir. Dans tout ce fatras de banalit�s, nous sommes au regret de vous
annoncer  qu'il  n'y  a  la  aucun " nouveau rapport entre l'art et la
soci�t�  "13,  la " pr�sence in�dite des artistes dans la cit� "13 n'a
rien  de  nouveau,  la  seule diff�rence �tant la tol�rance assum�e de
l'Etat  pour certains projets qu'il subventionne� D�sol�-e-s, pas de "
changement  d'�poque  de fonction sociale de l'art "13. Tant qu'il est
plac�  sous  l'aile  (m�me  quand  elle  se pr�tend protectrice) d'une
autorit�  institutionnelle  (Etat, march�, m�c�nes, �), l'art garde ce
r�le d'alli� subalterne du pouvoir.           

Evidemment,  lors de ces trois jours � la Friche La Belle de Mai, " la
contribution de l'art � la transformation de la soci�t� "13 est rest�e
nulle.  Nulle,  si l'on entend par " transformation de la soci�t� " le
bouleversement  des  rapports  sociaux.  Dans  la  forme comme dans le
contenu, ateliers et tables rondes ont perp�tu� la hi�rarchie sociale.
Des  sp�cialistes  ont  dialogu�  entre eux/elles devant d'importantes
assembl�es  muettes  de  personnes  pourtant  tr�s  concern�es par les
sujets  trait�s.  L'insistance  avec  laquelle  les  r�les de chacun-e
�taient  conserv�s �tait digne des milieux les plus r�actionnaires (et
cela  bien  au-del�  des activit�s " culturelles " de ces trois jours,
puisque  de nombreuses/nombreux employ�-e-s, en tant que femmes/hommes
de m�nage, cuisinier-e-s, serveurs/euses, hotes-ses d'accueil, �taient
cantonn�-e-s   dans   des   r�les  plus  ou  moins  invisibles  et/ou
m�pris�-e-s),  alors  quand  nous  entendons tou-te-s ces sp�cialistes
parler  de  "  r�inventer  "  les rapports sociaux, nous avons � peine
envie  de  leur  dire  que  c'�tait  totalement  ridicule de vouloir "
confronter  ces exp�riences [les fameux nouveaux territoires de l'art]
dans  leur  diversit�  afin  de  mieux  mettre  en �vidence ce qui les
distingue et ce qui les relie � travers le monde "14.                  

Le r�le de l'artiste, lui, est mythifi�. Le rapport Lextrait rencontre
des  " nouveaux artistes " et s'en �bahit. Il se trouve soudain face �
une  profession  surprenante,  presque  effrayante : " l'artiste " que
l'Etat  d�couvre  semble  presque  ne  plus  en �tre un, il a l'air de
remettre  en  cause,  dans  ses  propres  pratiques, la notion m�me de
profession,  de  m�tier, de fonction sociale, il ne se cantonne plus �
un  r�le,  il  exp�rimente la richesse d'une vie et la globalit� de sa
personne.  Le  pouvoir,  perdu,  cherche  ses  mots pour qualifier cet
�clatement d'un statut social : " transversalit� ", " hybridation ", "
pluridisciplinarit�  ",  "  d�cloisonnement  ",  "  simultan�it�  ", "
multiplication  des  fonctions  "7� Il cherche un vocabulaire connu et
rassurant  pour  se  cacher  ce qu'il a peur d'apercevoir : il parle "
d'une  nouvelle  fonction  ",  de  " red�finir un m�tier de producteur
artistique  "7.  L'id�e  est  �videmment  de  constater  chaque petite
r�volution en la ramenant d�licatement dans la logique traditionnelle.
"  L'artiste  "  remet  en question l'id�e de profession ? C'est qu'il
recr�e une nouvelle profession, une profession de la non-profession. "
L'artiste  " semble d�passer un r�le social �triqu� ? C'est que lui et
lui  seul  a  droit � ce privil�ge, � ce r�le social qu'on va nommer �
tout  va,  dont  on  va remplir des pages : un jour on finira bien par
l'affubler  d'un  grand  A,  de  peur de le voir s'effacer. " Artiste,
artiste, artiste ".
Pour  mieux transformer les gens en moutons, on conf�re � l'artiste le
droit  et le devoir de " troubler l'ordre des choses ". Plus besoin de
contester,  l'art  le  fait  �  notre  place  :  il sait construire un
discours,  interpeller,  choquer.  L'art  tel  qu'il  est  con�u a une
vocation  cathartique  : faire que le/la spectateur/trice exorcise ses
craintes,  �vacue  sa  r�volte  en  recevant  passivement " l'�uvre ".
Pourquoi  alors  faire  la  r�volution  dans  la  r�alit� puisqu'on la
repr�sente si bien dans l'art ?
Nous n'envisageons pas l'art comme art, mais les pratiques consid�r�es
"  artistiques  "  comme  partie prenante de nos quotidiens. Il s'agit
pour  nous  de  mettre  en  acte  dans  la  r�alit� ce que d'autres se
contenteraient  d'exprimer  dans  l'art. Si nous avons des pratiques "
artistiques ", elles suscitent une sorte d'insatisfaction qui a besoin
d'�tre  compl�t�e  par  l'action  r�elle.  Elles  n'ont  pas de statut
particulier  et  ne  sont  pas  r�serv�es  �  des  sp�cialistes. C'est
tou-te-s  que  nous  exprimons nos craintes, nos r�voltes, nos amours,
par  tous  les  modes que nous inventons, que nous nous r�approprions,
que  nous  d�tournons�  Etre  utiles  n'est  pas  notre souci. Nous ne
voulons pas laisser aux artistes le monopole de l'inutilit�.
Nous  cr�ons,  nous bidouillons, nous nous exprimons tous les jours en
bon-ne-s  artistes quotidien-ne-s et nos oeuvres inestimables, ce sont
nos  propres  existences.  Nous  nous r�approprions une globalit�, une
libert�   et  une  jouissance  qu'on  veut  r�server  �  la  fonction
artistique.  Nous  n'avons  pas  besoin de revendiquer une posture, un
qualificatif ou un statut reconnus par l'Etat.     
  
On  nous  traitera  d'utopistes.  Normal,  c'est  la meilleure mani�re
d'�vacuer   les  questions  de  fond.  Dans  la  culture  comme  dans
l'�conomie,  il  vaut mieux penser des strat�gies de surface, de court
terme,  qui  rendent  la  r�alit�  plus  supportable, qui retardent et
amplifient  les  catastrophes prochaines, plut�t que de se pencher sur
les racines de la mis�re du monde. Le Sud meurt de faim, le Nord meurt
d'ennui  et  d'asepsie, mais les deux h�misph�res ne sont que les deux
pans  d'une  m�me  pourriture.  Et  on  se  qualifie  pompeusement  de
pragmatiques  quand  notre  action se limite � se boucher le nez. Nous
voulons  d�boucher  des  naseaux,  en  commen�ant  par  les n�tres, et
rappeler que tous les outils existent pour choisir " un autre monde ".
Que  la  seule chose qui manque, et depuis longtemps, c'est la volont�
politique.  Non  pas  la  volont�  politique des politicien-ne-s, mais
celle  de chacun-e, cette volont� politique qu'on veut encore une fois
circonscrire  � une �lite mais qui n'est en r�alit� que la capacit� et
l'envie,  pour  chaque  individu,  de  r�fl�chir  et de prendre part �
l'organisation  collective  de  sa  soci�t�.  Nous  ne  parlons pas de
d�mocratie,  encore moins de d�mocratie participative, nous ne parlons
d'aucun  syst�me  qui croit encore � l'utilit� d'experts-directeurs de
la  vie  de  millions  de personnes. Nous voulons parler d'autogestion
g�n�ralis�e.  Et  nous  pensons que " le v�ritable d�fi de notre temps
"7,  les  s�minaires  les plus cruciaux, seront des palabres de rue et
des  exp�riences  de  vie  qui  poseront la question des pistes et des
tentatives   vers   cette   autogestion,  cette  �mancipation,  cette
autonomie, tellement d�courag�e qu'on ne veut jamais l'embrasser.

Il  ne  nous  a  pas  sembl� dans ce colloque apercevoir de quelconque
confrontation constructive � l'exception de rencontres informelles qui
pouvaient avoir lieu hors de vos chapiteaux mondains� Quand un chef de
friche  dit  vouloir  "  cultiver  l'ordinaire  pour  rendre  le monde
supportable  "15,  nous  r�pondons  qu'il  n'y  a  rien de chouette ou
d'extraordinaire   �   cultiver  et  reproduire  l'ordinaire  et  les
oppressions  qui  l'accompagnent.  Le  monde  n'en deviendra pas moins
insupportable,  et  m�me  s'il  devenait  "  supportable ", �a ne nous
suffirait pas.
Voil�  pourquoi  nous avons abandonn� la partie quand elle se joue sur
le  terrain du pouvoir. Nous n'avons pas particip� � ce colloque, nous
n'y  avons  pas dialogu�, au grand dam de certains organisateurs et de
certaines  organisatrices. Nous ne croyons pas pouvoir construire quoi
que  ce  soit  sur  des bases aussi moisies. Nous sommes venu-e-s pour
rappeler  que  des  gens  cr�ent,  pensent  et  ressentent,  rient  et
pleurent,  b�tissent  et  d�construisent, s'activent et glandent, dans
des  squats  et  d'autres lieux de vie collective, en marge autant que
possible  des  cadres  institutionnels  et  marchands.  Que des choses
intenses  s'y  jouent,  s'y  �laborent  et s'y vivent, sans salaire ni
hi�rarchie  ni  subvention  ni  permission. Nous pr�f�rons cette vie �
celle  que la pub nous vend, que l'art nous raconte et que l'Etat nous
sugg�re   avec   assez   d'insistance   pour   brouiller  les  autres
possibilit�s.  Ce  sont  ces  autres possibilit�s qui nous d�mangent :
nous les grattons avec d�lectation.

                Des squatteureuses d'un peu partout et d'ailleurs

[Texte  �crit  " � l'arrache " par trois personnes, dans la nuit du 15
au 16 f�vrier 2002]

Notes :
1.        Programme   de   la  rencontre  internationale  "  Nouveaux
territoires de l'art ", Atelier 4, table ronde 4.
2.       puisque  c'est  ainsi  que ces 3 jours sont pr�sent�s dans le
programme  : " Rencontre internationale- Nouveaux Territoires de l'art
- friches, laboratoires, projets pluridisciplinaires, fabriques, squats "
3.       Dossier  de  presse  laisser par la friche la Belle de Mai au
sujet de la rencontre internationale " Nouveaux territoires de l'Art "
4.      Lettre du 17 octobre 2000, publi�e dans le rapport Lextrait.
5.        Interview   de  Michel  Duffour  dans  le  quotidien  "  La
Marseillaise " du 14 f�vrier 2002.
6.       In  "  La  Marseillaise  " du 14 f�vrier 2002, cit� par Denis
Bonneville dans l'article " Friches en t�tes ".
7.      Voir r�sum� du rapport Lextrait.
8.       Edito  de  Claudine  Dussollier  et  Fabrice  Raffin  in " Le
Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 14 f�vrier 2002.
9.      Interview de Paul Virilio in " Le Journal-Nouveaux territoires
de l'Art " du 14 f�vrier 2002, page 27.
10.     In " Le Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 14 f�vrier 2002, page 30.
11.      Cit�  par  Bruno  Masi  dans  l'article  "  foire aux friches
d'artistes � Marseille " in Lib�ration du 14 f�vrier 2002.
12.        "   Grogne   chez   les  squartistes  !  !  !  "  in  le  "
Journal-Nouveaux territoires de l'Art " du 15 f�vrier 2002.
13.       Pr�sentation de la rencontre " Nouveaux territoires de l'Art
" par Michel Duffour, dans la premi�re plaquette de pr�sentation.
14.       Edito  de  Fabrice  Raffin in " Journal Programme, Friche la
Belle de Mai " de janvier/f�vrier/mars 2002, page 8.
15.       Philippe Foulqui� in " Journal Programme, Friche la Belle de
Mai " de janvier/f�vrier/mars 2002, page 2. 

Pour toute critique, toute remarque, tout contact : 
ZA (ZonArd-e-s)
c/o maloka, bp 536,
21014 Dijon cedex, france
[email protected], [email protected], [email protected] 

Pour toute info sur des squats, allez faire un tour sur :
https://squat.net


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Pour  lire  le  tableau  "Le  langage  des nouveaux experts de l'art",
ouvrez le fichier joint...

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Vous  pouvez  �galement en savoir plus, et avoir une id�e plus pr�cise
de  ce  qui  se  trame  autour  de  ces  questions  d'art,  de  lieux
"alternatifs",  de  squats, de l�galisation et d'Etat, en allant faire
un tour sur les sites de la friche Belle de mai et du gouvernement... :   

Sur la rencontre "Les Nouveaux Territoires de l'Art" :
http://www.culture.fr/culture/actualites/index-flextrait.htm

Plus d'infos sur le programme :
http://www.lafriche.org/nta/fr/

Pour une pr�sentation de la Friche Belle de mai par elle m�me :
http://www.lafriche.org/friche/friche/index.html

Le  rapport  Lextrait, command� par le secr�taire d'Etat au patrimoine
et � la d�centralisation culturelle Michel Duffour, est sur :
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/lextrait/sommaire.htm

L'Etat �voque sa main mise sur des exp�riences "alternatives" artistiques :
http://www.culture.fr/culture/actualites/index-flextrait.htm


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