aris on Wed, 20 Nov 2002 12:33:15 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] "Tranquilles" hypotheses de travail d'avant fermeture |
� Tranquilles � hypoth�ses de travail d'avant fermeture Ou il est aussi question de militance en France... Olivier Aubert Manifs anti-FN et manifestations anti-prostitution, ghettoisation ou communautarisme des r�seaux militants : les mamelles du d�clin de la d�mocratie ou les pr�mices d'un sursaut ? Des trottoirs de Strasbourg en passant par les manifestations anti dealers et {crackers} du 19 �me arrondissement de Paris, c'est en fait � une multitude d'irruptions des � citoyens �, � riverains �, � administr�s �,"p�titionnaires" sur le pav� ou dans l'espace public que nous assistons. Quoi de commun entre les arr�t�s anti-mendicit� (Angoul�me, Argenteuil, Brunoy, Castres, Metz, Montauban, Orl�ans, Quimper, Troyes, Vallon Pont d'Arc, Annecy, Cahors, Rouen, Tours), les arr�t�s anti-prostitution (Lyon, Troyes, Metz, Orl�ans), les arr�t�s anti-bivouac ( Bordeaux), ceux qui concernent les jeunes errants accompagn�s de chiens (Troyes, Grenoble) ou les d�j� l�gendaires arr�t�s concernant � l'errance � des jeunes mineurs durant les soir�es d'�t� (Orl�ans, Metz) ? Peut �tre tout simplement qu'ils r�pondent � une demande de � sentiment de s�curit� et de besoin � d'�tre entendus� de la part des administr�s et permettent aux municipalit�s de montrer qu'elles peuvent faire � quelquechose � pour � r�tablir l'ordre �, assurer � la tranquillit� des citoyens �, agir encore sur le quotidien. A l'origine : des p�titions, des rassemblements, des interpellations des municipalit�s ou de la police nationale ou municipale. Le parall�le � faire avec les manifestations anti-Le Pen pourrait �tre que ces manifestations semblent r�pondre � une m�me demande de tranquillit�, de relatif bien �tre que le FN mena�ait le temps d'une �lection. Une menace que des millions de jeunes ont spontan�ment refus�s en marchant et en d�battant durant quelques semaines avant de retourner pour la plupart aux mirages de la soci�t� de consommation et aux affres de la survie individuelle. Absence d'analyse ou de conceptualisation de ces mouvements, refus de chercher � comprendre, de s'attaquer aux racines, de vouloir se confronter aux causes de ces diverses � manifestations du d�sordre du monde �, c'est ce qui semble bien caract�riser ces mouvements. Les socialistes ont vendus aux Fran�ais � la vie en rose �, une dynamique de changement qui n'a pas eu lieu, la droite vient de lui vendre � la tranquillit� et l'ordre � la majorit� a vot� pour ce mirage d'ancien r�gime autant que pour sanctionner les marchands de r�ves socialistes gagn�s par la suffisance. Au lendemain du premier tour c'est bien la tranquillit� d'un multiculturalisme apolitique, a-religieux, a-culturel, sans m�moire tout entier tourn� vers la communion dans la consommation, et le plaisir ici et maintenant des pays riches que les manifestants sont all�s sinon d�fendre au moins afficher. Avant le premier tour ils �taient a-politique, a-religieux, a-culturels, apr�s le second tour ils le sont redevenus ne connaissant pas plus l'histoire familiale de leur copain d'origine malienne , que les fondements des pratiques religieuses de leur copine d'origine alg�rienne : une tol�rance instinctive battie sur plus d'indiff�rence que de connaissance et de respect. Des engagements pour beaucoup de ceux qui en ont qui ne font plus le tri entre le caritatif, l'humanitaire, le politique, le don, l'�change, le � faire avec � ou le � faire pour �. L'exception notable que constitue Ahmed Meguini, porte parole du � mouvement spontan� �, condamn� � 8 mois de prison dont 3 fermes � Strasbourg et � l'isolement pour avoir fait le passage entre l'�motion de rue et l'implication militante est � ce titre �clairant. M�diatis�, il a constitu� une cible id�ale pour la police qui remplis ici la fonction �vidente d'envoyer � toute la jeunesse du pays un message clair : celui de rester chez soi et de ne pas menacer � l'ordre du monde �, � l'ordre public � en attendant la mise en application de la loi Sarkosy. Un message clair qui renvoie vers son petit �cran de t�l�vision ou d'ordinateur o� il y a tout ce qu'il faut en terme de programmes et quelquefois � d'alternatives � pour avoir la sensation de se distraire, de d�couvrir, de s'�mouvoir, de faire des rencontres et m�me parait-il d'apprendre, ou de � s'engager �, comme si la confrontation avec la r�alit� �tait devenus inutile, superflue ou forc�ment g�n�ratrice de d�sillusions. De SOS Sangatte, collectif de citoyens qui r�vent que les r�fugi�s du camp soit n'importe o� au monde sauf dans leur commune, aux habitants du quartier de � La Chapelle-Jaur�s � qui veulent que les toxicomanes s'installent n'importe o� sauf pr�s de chez eux, les messages des � riverains �, � administr�s �, � citoyens �, � manifestants � et autres p�titionnaires de ces temps de � sentiment d'ins�curit� � ne sont pas une demande d'analyse et de plan d'ensemble concert�s, ils ne sont qu'une demande de nettoyage, de renvoi � l'invisibilit�. Un parall�le encore avec les manifestations de jeunes de l'entre deux tours qui bien souvent se tapent de l'existence d'un vote d'extr�me droite, des frustrations, aigreurs et dangers sous-jacents qu'il repr�sente, mais ne veulent simplement que l'�carter, le balayer sans en travailler les causes, les fondements, les articulations, les raisons. Apr�s 21 ans de pouvoir socialiste, le r�ve de pouvoir agir sur le quotidien et sur le monde n'est plus qu'une utopie port�e par une minorit�. Une minorit� bruyante qui se donne pour partie les moyens de se mettre en r�seau, r�alise des micro-actions de r�sistance ou d'alerte, de soutien et des rassemblements mondiaux. Des forums internationaux, des f�tes, des manifestations qui tiennent tant du d�fi que de la d�monstration de puissance face a la surdit� du pouvoir et � la scl�rose de sa gestion. En dehors de ces rendez vous, les dynamiques et mouvements alternatifs fran�ais demeurent fragment�s, multiples quelquefois d�cousus �chappant avec peine � l'attente d'un sursaut. Ils ne s'articulent souvent qu'en r�action � des initiatives qui demeurent dans le camp du pouvoir par sa capacit� de l�gif�rer et d'envahir � tel point l'espace public et m�diatique que sans cesse doivent s'improviser des r�ponses. Des r�ponses aussi modestes soient elles qui freinent la mise en place de veritables alternatives et la popularisation de leur existence. Car si le monde associatif et militant foisonne il n'�chappe pas � des logiques fragmentaires qui annihile en partie sa cr�dibilit�, sa visibilit� et la pertinence de ses diagnostics. Communiqu�s invitants � des conf�rences de presse dont on n'aura jamais : ni �cho des suites, ni de ce qui aura �t� dit. Appels � manifester perdus au fond d'une boite � lettre �lectronique qui ne partiront qu'au dernier moment rendant de fait toute mobilisation d'ampleur possible. Stricte limitation des informations � de pseudos-copains journalistes qui n'en feront rien. Tout cela au d�triment d'une vaste circulation d'information qui en permettant � ces lecteurs de se les approprier leur permettrait d'y trouver les bases d'un discours qui ne soit plus strictement militant, strictement irrationnel. Autant de raisons qui m�nent � des impasses. Pour acc�der aux constats des associations, il faut d�sormais avancer en se frayant un chemin tortueux ponctu� d'interm�diaires. Autant d'�l�ments qui laissent � penser que la parcimonie de la circulation de l'information � de terrain � est aussi monnaie d'�change de permanents en manque d'estime de soi, signe de reconnaissance et d'appartenance � un monde d'initi�s. Un univers ou se m�le dans un fatras difficilement descriptible : universitaires, juristes, journalistes, et notabilit�s militantes sans cesse d�bord�s. Des militants aux signes ext�rieurs de � richesse relationnelle � reproduisant strictement les fonctionnement de circulation d'informations occultes et/ou pyramidaux par lesquels le pouvoir g�n�re de l'impuissance. Une logique de caste, de milieu, de r�seau s'auto-reconnaissant sans l'ombre d'un instant, (urgence-oblige) s'interroger sur ses pratiques, ses �checs, ses impasses, ses actes manqu�s. Quand l'aspiration majoritaire et profonde d'un peuple y compris de ces plus jeunes composantes est la tranquillit�, quand le d�sir majoritaire devient la possibilit� de vivre sa vie sans �cueils ou d'en avoir l'illusion face au d�sordre du monde : la dictature n'est pas loin. Plus encore quand ceux qui constitueraient son seul barrage g�n�re eux m�me ses propres failles. Face au brouhaha du monde dilu� chaque soir � la TV, la peur du chaos, du d�sordre et ces modestes incursions dans nos villes et dans nos vies provoque le rejet. Il serait temps de s'interroger sur le fonctionnement de l'ensemble de la cha�ne de l'information y compris alternative et quelquefois militante. La propension qu'ont les m�dias dans le traitement du sentiment d'ins�curit� � renouer avec la passion facile des faits divers devenus tabous semble av�r�e. Mais il serait n�cessaire aussi de s'arr�ter sur la machine � entra�nement de l'actualit� et la folle comp�titivit� et rapidit� de traitement entre TV, Radio et presse �crite qui s'est peu � peu impos�e. Il y avait d�j� le l�gendaire : � on ne peut pas ne pas en parler � ou le plus responsable et s�rieux � nous devons a notre lectorat ces informations �, il n'y a d�sormais plus besoin de justification. Apr�s dix ann�es de mythologie de retour � la proximit� et autres concepts de � service � dilu�e par une machine m�diatique sans objet, les augmentations des ventes r�guli�res d�es � des couvertures locales sont l� pour confirmer l'int�r�t du public : du local, du nombrilisme, de la conso, du frisson ou du cul. Quand tous ces �l�ments sont r�unis sur une couverture, le succ�s est d�sormais assur�. L'ins�curit� ou plut�t son sentiment, les d�sordres ou probl�mes jamais pris en charge dans une France fig�e, urbanis�e, couverte d'un vernis de culture mais totalement sans pens�e sur l'avenir vont donc se payer en r�pression. La presse, les m�dias dont on pourrait dire qu'ils sont devenus producteur de brouhahas difficiles a d�crypter, de nouvelles dont on ne peut comprendre ni les fondements ni le sens diffusent en permanence de la peur, de l'agitation, de l'�motion primaire, des fantasmes, des poncifs et clich�s, de la pol�mique , des questions de soci�t� qui pour exister ont besoin d'�tre consid�r�s comme des probl�mes mieux encore des � probl�mes de soci�t� �. A longueur de journ�e c'est au bon sens populaire ou plus souvent � son mauvais sens que l'on fait appel, a d�nombrer le nombre de victimes d'une catastrophe, r�p�ter sans cesse comme le monde s'est complexifi�, est devenus inabordable, a �taler des drames, des fausses nouveaut�s, des bouleversements imminents, des � sondages express �. Une sensation diffuse s'est r�pandus sur le monde occidental, a p�n�tr� dans les foyers : la certitude de tout savoir sur tout, d'avoir tout vu ou presque. Face a l'ennui profond que g�n�re la non mise en danger, le salariat p�p�re quelquefois m�me la pr�carit� accept�e. Face � la complexit� de l'affrontement des egos et volont�s de pouvoir que g�n�re toute construction sociale ou collective en ces p�riodes d'individualisme forcen�e, c'est dans la solitude de la consommation, dans la tranquillit� sans cesse souhait�e et jamais atteignable que l'homme moderne se r�fugie, dans ce r�ve que les fran�ais (les europ�ens ?, les occidentaux ?) veulent se laisser bercer. Sanction d'un r�ve de mieux vivre avort�, le vote contre la gauche est avant tout un d�sir d'amn�sie, pour que puisqu'il semble si difficile de voir les choses s'am�liorer on ne les voit plus du tout, on se r�fugie dans un groupe, un r�seau, un ghetto pour a d�faut de r�inventer l'avenir, on survive au quotidien, on se bricole des alli�s, des ennemis en oubliant que chacun d'entre nous peut �tre les deux � la fois. Ne pas se sentir en ins�curit� quand les sir�nes deux-tons et les gyrophares passent avec r�gularit�, quand les m�dias ne pr�l�vent des �v�nements du monde que violences, calamit�s, �motion, victimes, quand les regards paraissent hostiles, indiff�rents serait faire preuve d'une sacr� capacit� � distancier. Ne pas avoir envie de se prot�ger quand le bruit envahie les villes � longueur de moteurs. Ne pas se sentir peu de chose quand dans une d�mocratie m�diatique � les probl�mes � tiennent moins a leur r�alit� qu'a leur apparence et l'�cho qui en est fait, tient de la gageure. Sans m�diatisation ce qui existe, se fait, se vit est rel�gu� au rang d'�piph�nom�ne, anecdote, est sans menac� de ne pas exister m�me si il est sans cesse pill� et d�tourn�. A quelques milliers nous faisons beaucoup de bruit et si nos pens�es minoritaires ne font pas de nouveaux � adeptes � de l'implication individuelle elles paraissent b�n�ficier d'un regard relativement bienveillant d'une soci�t� qui sait. Qui sait ces lachet�s, ces reniements, ses impasses, mais ne veut plus, elle aussi � faire �, passer � l'action pour autrechose que pour assurer sa tranquilit�, son confort. Jamais autant qu'aujourd'hui la soci�t� fran�aise ne semble avoir �t� autant fragment�e, en proie a de multiples sous-communaut�s dont bon nombre ne se rencontrent jamais. Raisons de survie ou pr�mices de ghetto�sation ? Cette fragmentation ne pr�figure t'elle pas une p�riode de barbarie g�n�ralis�e qui nous contraindrait � cr�er des sanctuaires, des haltes, des relais pour � voyageurs des temps nouveaux � tels les monast�res au moyen �ge o� l'on pouvait sans armes se r�fugier ? Espaces virtuels, symboliques, mais n'est ce pas d�j� de cela dont il s'agit dans des revues, des groupes de discussions ou {egroups}, sur des sites internets alternatifs et autog�r�s. Des �tudiants ou coll�giens qui manifestent contre le vote FN aux riverains qui chassent les jeunes prostitu�es des Balkans, c'est presque une m�me voix qui r�clame aujourd'hui l'amn�sie, l'irresponsabilit�, le statut de victime, la tranquillit�, la paix, c'est avec cette � multitude � qu'il va falloir travailler � construire autrechose. Autrechose que des cercles ferm�s par des codes, autrechose que des discours incompr�hensibles et d'�ternels appels a se mobiliser si peu audibles. Copyright � 2002 Olivier Aubert. Contact : [email protected] ------ Texte publi� sur le site samizdat.net http://infos.samizdat.net < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture li�s au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive compl�ves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : [email protected]