copy.cult on Sun, 7 Sep 2003 13:29:56 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] brevets logiciels: interview de Bernard Lang


dans ce courrier: une note de lecture de Gis�le Freund, Photographie et soci�t�(courte) et l'interview de Bernard Lang, article paru dans la Libre Belgique

note:

Dans son �tude Photographie et Soci�t�, Gis�le Freund consacre plusieurs chap�tres � la d�mocratisation du portrait(sp�cialement:"La photographie sous la monarchie de Juillet").

Elle y d�montre minutieusement comment l'art du protrait r�serv� � la noblesse se d�mocratise progressivement et comment l'�volution des techniques accompagne cette �volution. Elle lie d�mocratisation et prosp�rit� �conomique:

"Il y avait � Marseille, vers 1850, tout au plus quatre � cinq peintres en miniature, au nombre desquels deux � peine jouissaient d'une certaine r�putation  en ex�cutant une cinquantaine de portraits environ par an. Ces artistes gagnaient tout juste de quoi subvenir � leur existence et � celle des leurs. Quelques ann�es plus tard, il y avait dans cette ville de quarante � cinquante photographes dont la plupart se livraient � l'industrie du portrait photographique et en retiraient des b�n�fices plus r�mun�rateurs que ne l'�taient ceux des peintres miniaturistes en renom. Ils produisaient chacun annuellement une moyenne de mille � douze cents clich�s qu'ils vendaient quinze francs pi�ce, soit une recette de 18000 francs dont l'ensemble constituait un mouvement d'affaires de pr�s d'un million[...]".
p13.

"Des Yankees entreprenants et ing�nieux �tablirent des saloon photographiques dans les villes, ou sillonn�rent la campagne et les campements dans des roulottes, transform�es en ateliers de la daguerr�otypie. On a estim� qu'il y avait en 1850 d�j� deux mille daguerr�otypistes. En 1853, on �value � trois millions les photos prises par an. La production totale entre 1840 et 1860 �tait de plus de trente millions de photos. Les prix d�pendaient du format et variaient entre $ 2.50 et $ 5. On estime que les Am�ricains ont d�pens� entre 8 et 12 millions de dollars en 1850 pour des portraits seuls qui constituaient 95% de la production photographique." 
p31

Gis�le Freund insiste sur un des faits qui a permis cette �volution de la repr�sentation visuelle et de la technologie:
l'attitude de l'Etat fran�ais envers les brevets:
"'Tout ce qui concourt au progr�s de la civilisation, au bien-�tre physique et moral de l'homme, doit �tre l'objet constant de la sollicitude d'un gouvernement �clair�, � la hauteur des destin�es qui lui sont confi�es; et ceux qui par d'heureux efforts, aident � cette noble t�che, doivent trouver d'honorables r�compenses pour leur succ�s.'Rien ne caract�rise mieux l'orientation morale des Lib�raux et leur attachement � l'id�e du progr�s que ces mots prononc�s par le savant Gay-Lussac, lorsqu'il pr�senta � la Chambre des Pairs le m�me projet de loi que six semaines auparavant Arago avait propos� � la Chambre des D�put�s. Le porjet de loi offrait � l'inventeur du daguerr�otype, le peintre Daguerre, une rete viag�re de six mille francs et au fils de son ancien collaborateur Niepce, de quatre mille francs. Le projet fut accept� par les Chambres � l'unanimit�. L'Etat fran�ais aait ainsi acquis l'invention; il rendit le proc�d� public au cours d'une s�ance de l'Acad�mie des Scienc!
 es, le 18 ao�t 1939.Fait fr�quent � cette �poque: quand on faisait des inventions, l'Etat renon�ait � tout monopole et abandonnait la d�couverte � la libre initiative de celui qui voulait l'exploiter. Aussi l'attitude de l'Etat n'a-t'elle rien de surprenant. Cette invention d'ailleurs, se heurtait � des difficult�s juridiques concernant le brevet car le proc�d�, en soi, �tait si simple, qu'il �tait tr�s difficile de la prot�ger.[...]"







    
  interview

  �Non au brevet logiciel�
  PAR MATHIEU VAN OVERSTRAETEN

  Mis en ligne le 05/09/2003
  - - - - - - - - - - - 

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=3&subid=152&art_id=131683

  Un projet de directive europ�enne pr�voit
  la brevetabilit� des logiciels informatiques. Pour le chercheur fran�ais Bernard Lang, il faut s'y opposer � tout prix. �C'est un v�ritable choix de civilisation�, affirme-t-il


  ENTRETIEN

  Le 27 ao�t dernier, plusieurs centaines de personnes se rassemblaient devant le Parlement europ�en pour protester contre un projet de directive europ�enne sur le brevetage des logiciels informatiques. Parmi eux, on retrouvait essentiellementdes informaticiens, parmi lesquels le fran�ais Bernard Lang. Directeur de recherche � l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), celui-ci est aussi vice-pr�sident de l'AFUL, l'Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres. Il explique pourquoi il est farouchement oppos� au projet de directive de l'eurod�put�e socialiste britannique Arlene McCarthy.

  A priori, les brevets sont destin�s � prot�ger l'innovation technologique.
Pourquoi scandiez-vous lors de la manifestation il y a quelques jours que �les
brevets logiciels tuent l'innovation� ?

  Je tiens d'abord � pr�ciser que je suis loin d'�tre le seul � le dire. Malgr� la complexit� du sujet, la p�tition que nous avons lanc� contre ce projet de
directive a d�j� recueilli plus de 170.000 signatures, dont celles de 500 PME
ainsi que de nombreux �conomistes de renom, y compris des experts de la Commission europ�enne elle-m�me. Elle inclut aussi quelques grands noms de la recherche informatique europ�enne, parmi lesquels des titulaires du Prix Turing,
l'�quivalent en informatique du Prix Nobel. Toutes ces personnes arrivent comme
moi � la conclusion que les brevets logiciels ne vont ni favoriser l'innovation
technologique ni prot�ger les petits contre les gros mais qu'au contraire, ils
vont avant tout servir les multinationales, la politique am�ricaine et les
juristes de la propri�t� intellectuelle. Si cette directive est adopt�e, nombreux sont ceux � croire qu'on court tout droit � la catastrophe.

  Quel int�r�t les grands groupes informatiques ont-ils � pousser cette introduction des brevets logiciels?

  Pour les grands groupes, ces brevets permettront avant tout de contr�ler les
nouveaux entrants ou les concurrents un peu trop g�nants. Il faut savoir en effet que les logiciels sont des constructions tr�s complexes dans lesquelles les d�veloppeurs utilisent des m�canismes dont ils ne se doutent m�me pas qu'ils
puissent �tre brev�t�s, avec � la cl� un risque important de contrefa�on
involontaire. Les grandes soci�t�s am�ricaines, qui d�tiennent �norm�ment de
brevets, peuvent de ce fait attaquer quasiment n'importe quel logiciel en
contrefa�on. C'est ce qui s'est pass� r�cemment avec Getris Image, une petite
soci�t� fran�aise qui a voulu commercialiser son logiciel sur le march� am�ricain et qui a �t� attaqu�e en contrefa�on par une soci�t� active uniquement dans la propri�t� industrielle. Si elle en avait eu les moyens, elle aurait facilement pu prouver son bon droit devant un tribunal mais elle ne les avait pas et elle a donc d� d�poser le bilan. Aux Etats-Unis, les attaques en contrefa�on, m�me injustifi�es, sont un moyen classique de bloquer un produit ou une entreprise. Le brevet, auquel on recourt de mani�re totalement arbitraire, y est souvent utilis� comme une arme anti-concurrentielle plus que comme une arme de protection de l'innovation.

  Pour vous, les brevets logiciels risquent donc de r�duire la concurrence...

  Oui. Ces brevets ont peut-�tre un sens du point de vue juridique mais du point de vue �conomique, c'est purement et simplement idiot. La meilleure preuve est que parmi les tr�s nombreux articles �conomiques qui ont d�j� �t� r�dig�s sur l'effet de la brevetabilit�, aucun d'entre eux ne conclut � son utilit�. Avec ce syst�me, l'�nergie et l'argent que les entreprises europ�ennes d�pensent actuellement � innover risquent d'�tre d�pens�es � se d�fendre contre des attaques en contrefa�on. Il faut comprendre que l'�conomie de l'immat�riel, dont font partie les logiciels, fonctionne sur des r�gles �conomiques diff�rentes de l'industrie mat�rielle. Si le brevet logiciel passe, toutes les d�rives sont possibles. On pourrait imaginer par exemple qu'on autorise � l'avenir le brevetage de techniques de plaidoirie, d'�criture musicale, de saut en hauteur ou, pourquoi pas, de techniques amoureuses. Et quiconque les reproduirait serait susceptible d'�tre poursuivi en contrefa�on. Le d�ba!
 t actuel va donc bien au-del� du simple domaine des logiciels, je crois qu'il s'agit d'un v�ritable choix de civilisation.

  Vous liez m�me la question des brevets logiciels au fameux programme Echelon?

  Bien s�r. Le projet de directive de la d�put�e britannique risque non seulement d'affaiblir les entreprises europ�ennes, il risque �galement d'entamer la souverainet� des Etats de l'Union europ�enne. Tant nos entreprises que nos
institutions sont en effet oblig�es d'utiliser des logiciels contr�l�s par des
soci�t�s �trang�res, pour la plupart am�ricaines, pour lesquelles nous n'avons pas acc�s aux codes-sources et qui sont de toute fa�on trop compliqu�s � v�rifier. Autrement dit, nous utilisons des logiciels dont nous ne savons pas exactement ce qu'ils font et qui constituent de potentiels outils de domination militaire et culturelle. On pourrait imaginer notamment un moteur de recherche qui favoriserait certaines ressources culturelles au d�triment d'autres. Ce n'est pas un sc�nario-catastrophe mais la r�alit�. Pour citer un exemple, on s'est rendu compte r�cemment qu'un logiciel am�ricain cens� filtrer les sites pornographiques pour prot�ger les enfants emp�chait �galement l'acc�s � certains sites d'opinion.

  M�me sans brevets logiciels, il y a donc d�j� des abus.

  Oui, il y a des abus mais on peut aujourd'hui s'en prot�ger gr�ce aux logiciels libres, pour lesquels l'acc�s au code-source est ouvert � tous. Or, les gens qui d�veloppent ces logiciels libres n'ont ni les moyens ni l'envie de breveter leurs inventions et risquent donc de faire partie des principales victimes du projet de directive europ�en.

  A vous entendre, les arguments contre l'introduction du brevet sont donc tr�s
nombreux. Etes-vous confiant dans le rejet du projet de directive par le Parlement europ�en?

  Disons que le temps joue en notre faveur. Les pro-brevet ont voulu faire leur coup en douce, sans que le grand public ne soit inclus dans le d�bat, mais nous avons heureusement pu lancer notre travail d'information et d'�ducation � temps. Cela a permis de d�j� reporter le d�bat sur la directive, pr�vu initialement lundi dernier, de quelques semaines, mais le combat n'est pas gagn� pour autant. Si de plus en plus de parlementaires se posent des questions sur l'utilit� de ces brevets, ils ont en effet tendance � se tourner vers les professionnels de la propri�t� intellectuelle pour obtenir des r�ponses. Or, ceux-ci sont forc�ment juge et partie puisqu'ils vivent du d�p�t de brevets.

  � La Libre Belgique 2003

 
 
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