Patrick de Colomby on Thu, 12 Feb 2004 19:58:53 +0100 (CET) |
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[nettime-fr] Fwd: Appel contre la guerre à l¹intelligence |
IMPORTANT MERCI DE FAIRE CIRCULER CET APPEL PAR MAIL
Bonjour,
Pour fédérer les mobilisations de plus en fortes, mais encore très éparses et éclatées, émanant des secteurs de la culture et du savoir, face aux attaques régulières, aux coupes budgétaires et aux menaces dont ils font l'objet de la part de l'actuel gouvernement, l¹hebdomadaire culturel Les Inrockuptibles lance un " Appel contre la guerre à l¹intelligence ".
Vous trouverez ci-après le texte de cet appel qui sera publié le 18 février dans nos colonnes. Vos signatures doivent nous parvenir au plus vite (dernière limite vendredi 13 au matin), à l¹adresse mail suivante [email protected], avec votre nom prénom et qualité.
Les Inrockuptibles
signer à l'adresse suivante avec vos nom, prénom et qualité : [email protected]
Appel contre la guerre à l¹intelligence
Rien de plus proche aujourd¹hui d¹une université sans crédit qu¹un laboratoire scientifique en panne, rien de plus proche d¹un intermittent du spectacle qu¹un doctorant précaire, d¹un urgentiste en alarme qu¹un juge débordé par les dossiers et les affaires, d¹un psychanalyste interdit d¹exercice qu¹un archéologue privé de fouilles, rien de plus proche d¹un architecte qu¹un avocat ou qu¹un médecin dont la liberté d¹exercer est de plus en plus encadrée, rien de plus proche d¹un chômeur en fin de droit qu¹un artiste au Rmi, rien de plus proche, dans des salles vétustes et bondées, qu¹un prof et ses étudiants.
Tous ces secteurs du savoir, de la recherche, de la pensée, du lien social, producteurs de connaissance et de débat public font aujourd¹hui l¹objet d¹attaques massives, révélatrices d¹un nouvel anti-intellectualisme d¹Etat. C¹est à la mise en place d¹une politique extrêmement cohérente que nous assistons. Une politique d¹appauvrissement et de précarisation de tous les espaces considérés comme improductifs à court terme, inutiles ou dissidents, de tout le travail invisible de l¹intelligence, de tous ces lieux où la société se pense, se rêve, s¹invente, se soigne, se juge, se répare. Une politique de simplification des débats publics, de réduction de la complexité : pour ou contre le voile ? Psychiatres ou charlatans ? Un policier dans chaque école ou des professeurs laxistes ? Juges de gauche ou flics sévères ? France d¹en bas contre élites savantes ? Les artistes : fainéants ou profiteurs ? Depuis deux ans, la liste est longue des compétences et savoirs pratiques méprisés, des débats raccourcis, amputés de leur épaisseur et de leurs contradictions fécondes.
Le gouvernement Raffarin fait un usage simpliste et terrifiant des fameuses leçons du 21 avril : en pleine crise de l¹Etat-Providence, dans ces secteurs les plus sensibles que sont l¹hôpital et la santé, l¹école et l¹université, la justice et le travail social, la culture et l¹audiovisuel public, au moment d¹une fracture urbaine sans précédent entre des centre-ville riches et paisibles et des périphéries abandonnées, à l¹heure d¹une décentralisation culturelle accélérée et sans filet et d¹une industrie de la culture qui modifie en profondeur le paysage intellectuel, que fait le gouvernement ? Il livre l¹architecture, l¹urbanisme et la construction d¹un nouvel espace public aux grands groupes de BTP. Il dégraisse les corps intermédiaires de la communauté éducative en supprimant emplois-jeunes, aide-éducateurs, infirmières, surveillants. Il fragilise le monde du spectacle au nom d¹une réforme nécessaire du régime de l¹intermittence. Il démoralise les professions de santé et accélère la " fuite des cerveaux " dans les universités étrangères.. Il profite du départ à la retraite des générations du baby-boom pour faire disparaître des secteurs de recherche, des spécialités médicales, des disciplines éducatives. Il procède à des coupes sombres dans les budgets du savoir et de la recherche. Et il résout la prise en charge des " vieux " par la culpabilisation des familles, le rappel à l¹ordre paternaliste des plus jeunes et la suppression d¹un jour férié.
Cette guerre à l¹intelligence est un fait sans précédent dans l¹histoire récente de la nation. C¹est la fin d¹une exception française : un simple regard chez quelques-uns de nos voisins européens, dans l¹Angleterre post-thatchériene ou l¹Italie berlusconienne permet pourtant de voir ce qu¹il advient des écoles, des hôpitaux, des universités, des théâtres, des maisons d¹édition au terme de ces politiques qui, menées au nom du bon sens économique et de la rigueur budgétaire, ont un coût humain, social et culturel exorbitant et des conséquences irréversibles.
Loin de constituer un mouvement d¹humeur corporatiste, ce sursaut des professions intellectuelles concerne l¹ensemble de la société. D¹abord parce que la production et la diffusion des connaissances nous est aussi indispensable que l¹air que nous respirons. Ensuite, parce qu¹au-delà de nos métiers, de nos savoirs, de nos pratiques, c¹est au lien social qu¹on s¹en prend, reléguant davantage encore dans les marges les chômeurs, les précaires, et les pauvres.
Et maintenant ? Fort de cette prise de conscience, il s¹agit de partager les luttes et les mobilisations, de fédérer nos inquiétudes, d¹échanger ces expériences alarmantes, et d¹adresser au gouvernement une protestation solidaire, unifiée, émanant de tous les secteurs attaqués par cet anti-intellectualisme d¹Etat qu¹aucun parti politique, de droite comme de gauche, n¹a encore entrepris de dénoncer. Chacun d¹entre nous doit continuer à porter ses propres revendications, à élever ses propres défenses, mais nous devons aussi interpeller collectivement nos concitoyens sur ce démantèlement des forces vives de l¹intelligence.
Pour signer (avec vos noms, prénoms et qualité) : [email protected]
n'hésitez pas à faire circuler
Pr. Alfred Spira
Faculte de Medecine Paris-Sud/INSERM-INED U569