[nettime-fr] FW: [carnet] Rafah: comment rendre un peuple fou

["c.e" <elis.c@wanadoo.fr>]

Je vous envoie ce texte de Mona Cholet, qui, m�me s'il n'est pas tout � fait
dans le ton de la liste, me semble important de faire circuler.


> Objet�: [carnet] Rafah: comment rendre un peuple fou
> 
> RAFAH: COMMENT RENDRE UN PEUPLE FOU
> Le carnet de P�riph�ries
> http://www.peripheries.net/crnt54.htm#rafah
> 
> Dimanche dernier, le ministre isra�lien de la Justice, Yossef Lapid, s'�levait
> avec virulence contre les op�rations militaires meurtri�res et destructrices �
> Rafah, dans la bande de Gaza: �Il faut cesser la destruction de maisons, elle
> n'est ni humaine ni juive, et provoque des d�g�ts �normes dans le monde,
> d�clarait-il. L'image de la vieille femme cherchant ses m�dicaments dans les
> ruines m'a rappel� ma grand-m�re, expuls�e de sa maison pendant l'Holocauste.�
> Na�vement, on se sentait r�confort� par une telle intervention. On esp�rait
> qu'elle allait provoquer le d�bat, �mouvoir enfin l'opinion isra�lienne et
> internationale, peut-�tre m�me amener certains � r�clamer la d�mission d'Ariel
> Sharon... R�sultat: ce qui provoque un toll�, ce ne sont pas les morts et les
> saccages de Rafah, mais les propos de Yossef Lapid. C'est de sa d�mission _�
> lui_ qu'on discute gravement. Du tas de d�combres et de victimes
> palestiniennes sur lequel il tr�ne, Sharon se dit �scandalis�. Il reproche �
> son ministre de �donner des arguments � la propagande anti-isra�lienne�, �sur
> la foi d'images des t�l�visions arabes�, sans �v�rifier leur v�racit�
> (�Lib�ration�, 24 mai) - comme si les exactions de Rafah n'avaient aucune
> r�alit�, comme si c'�taient une fois de plus ces fourbes d'Arabes qui nous
> jouaient la com�die de la douleur, voire qui auraient dynamit� eux-m�mes leurs
> maisons par pure malveillance antis�mite... Il ne vient apparemment � l'id�e
> de personne que ce sont les op�rations criminelles de Tsahal qui �donnent des
> arguments � la propagande anti-isra�lienne�, et que les paroles de Lapid, au
> contraire, sauvent l'honneur.
> 
> �Le ministre de la Justice est-il all� trop loin?� Sur France-Inter, � treize
> heures, aujourd'hui, c'est la question que l'on pose � David Shapira, le
> porte-parole... des colons juifs de Cisjordanie et de Gaza. Et voil� comment
> le repr�sentant d'individus qui constituent l'un des plus s�rieux obstacles �
> un r�glement du conflit, qui vivent en infraction permanente avec les accords
> de paix et la l�gislation internationale, se retrouve dans le r�le de la
> victime offens�e, demandant des comptes � celui qui l'a l�s�e. Magnanime,
> Shapira ne r�clame pas la d�mission de Lapid, mais estime qu'il doit pr�senter
> �des excuses publiques�, et, comme le journaliste qui l'interroge, il note,
> navr�, qu'il ne l'a toujours pas fait � cette heure. �On peut �tre d'accord ou
> non avec ce qui se passe en ce moment � Gaza, mais on n'a pas le droit de
> comparer ces �v�nements avec l'extermination syst�matique de six millions de
> juifs en Europe�: on imagine combien le porte-parole des colons doit �tre
> boulevers� par ce qui se passe � Gaza, en effet. Yossef Lapid, dit-il,
> �insulte tous ceux qui ont �t� assassin�s syst�matiquement� par les nazis.
> 
> Tanya Reinhardt: �Il semble que tout ce que nous avons int�rioris� de la
> �m�moire de l'Holocauste�, c'est que tout mal de moindre ampleur est
> acceptable�
> 
> �a se passe toujours comme �a: lorsqu'un Isra�lien utilise la r�f�rence au
> g�nocide pour tenter d'�branler ses concitoyens en suscitant chez eux une
> identification avec les Palestiniens, sa d�marche aboutit � l'inverse de
> l'effet recherch� - on a encore pu le constater r�cemment en France avec la
> pol�mique d�clench�e par le film d'Eyal Sivan et Michel Khleifi, �Route 181�.
> Elle a pour r�sultat de relancer les discours sur la �banalisation� du
> g�nocide, sur l'impossibilit� de comparer ce qui est incomparable - et de
> faire purement et simplement _dispara�tre_ les Palestiniens et les crimes
> commis � leur encontre. La vieille femme de Rafah qui cherchait ses
> m�dicaments dans les d�combres de sa maison a d'ores et d�j� _disparu_. La
> vieille femme de Rafah peut crever. Il n'y a pas de volont� d�lib�r�e
> d'exterminer les Palestiniens, ils ne sont pas assassin�s �syst�matiquement�,
> alors ils peuvent crever: c'est aussi simple que �a. Le probl�me, c'est
> qu'entre l'affirmation, vraie en tant que telle, de l'impossibilit� de
> comparer les deux �v�nements, et l'id�e qu'une vie d'Arabe ne compte pas,
> qu'une mort d'Arabe est une broutille n�gligeable, la fronti�re est d�cid�ment
> tr�s mince. On pense � cette remarque am�re de l'universitaire isra�lienne
> Tanya Reinhardt: �Il semble que tout ce que nous avons int�rioris� de la
> �m�moire de l'Holocauste�, c'est que tout mal de moindre ampleur est
> acceptable.� La r�f�rence au g�nocide est utilis�e pour rendre inaudible, pour
> escamoter la souffrance des Palestiniens. Pour frapper un peuple tout entier
> d'un effacement in�luctable, dont le mur de s�paration n'est que la traduction
> concr�te. Et on voudrait nous faire croire que c'est Yossef Lapid qui insulte
> la m�moire des victimes de la Shoah...
> 
> Nul besoin d'�prouver dans sa chair les effets concrets de ce verrouillage
> id�ologique pour comprendre qu'il y a l� de quoi rendre un peuple fou. L'un
> des grands arguments de la guerre isra�lienne de l'information consiste �
> demander pourquoi le monde entier s'�meut davantage du sort des Palestiniens
> que de celui des Tch�tch�nes ou des Alg�riens - insinuant par-l� que la raison
> en serait un fonds incurable d'antis�mitisme. Au-del� de ce qu'il y a d'odieux
> dans cette mani�re de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez
> facilement r�pondre � cette question. On s'en �meut davantage (et ce n'est
> qu'un suppl�ment d'indignation tr�s relatif, d'ailleurs) parce que, avant que
> les Etats-Unis n'envahissent l'Irak, c'�tait le dernier conflit colonial de la
> plan�te - m�me si ce colonisateur-l� a pour caract�ristique particuli�re
> d'avoir sa m�tropole � un jet de pierre des territoires occup�s -, et qu'il y
> a quelque chose d'insupportable dans le fait de voir des �tres humains subir
> encore l'arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de
> cette guerre que l'Occident d�soeuvr� a choisi de d�clarer au monde musulman
> pour ne pas s'ennuyer quand les Rouges n'ont plus voulu jouer. Parce que
> l'impunit� dont jouit depuis des d�cennies l'occupant isra�lien,
> l'instrumentalisation du g�nocide pour oblit�rer inexorablement les
> spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l'impression
> persistante qu'ils en sont victimes _en tant qu'Arabes_, nourrit un sentiment
> minant d'injustice.
> 
> Il y a et il y aura toujours des hommes et des femmes pour continuer � le
> clamer: contre ce sentiment d'injustice, qui peut amener certains de ceux qui
> l'�prouvent � commettre des actes barbares, les intimidations de la propagande
> ne pourront jamais rien. Elles ne pallieront jamais la n�cessit� de la
> justice. Il est ind�cent de clamer, lorsqu'on condamne le terrorisme, que le
> d�sespoir n'excuse pas tout, et de continuer par ailleurs � alimenter
> cyniquement ce d�sespoir. Ariel Sharon a beau faire mine de mettre en doute la
> cr�dibilit� des images de Gaza, il a beau vouloir nous faire croire que le
> scandale, ce sont les d�clarations de Yossef Lapid, ces images existent. Des
> millions de gens � travers le monde les voient. Ils savent parfaitement
> qu'elles sont tr�s r�elles, et que le message qu'elles envoient est tr�s r�el
> lui aussi. Sous peine de contribuer activement � l'intensification de cette
> �guerre civile mondiale� dont parle Eric Hazan, il faudra bien que les
> gouvernements et les m�dias d'Occident se d�cident un jour, eux aussi, �
> _voir_ la vieille femme palestinienne fouillant les d�combres de sa maison de
> Rafah. 
> 
> Mona Chollet
> 
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> 
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