gilbert quélennec on Fri, 1 Apr 2005 14:29:47 +0200 (CEST) |
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[nettime-fr] Fwd: instaurer un vrai débat |
Début du message réexpédié : > De: <[email protected]> > > > > > > > Constitution : instaurer un vrai débat > > > > Par Marie-José Mondzain, philosophe > > > > Dans le débat, ou plutôt dans ce qui n’arrive plus à être un vrai > débat, au sujet du traité constitutionnel, nous assistons à la > transformation mensongère du terrain même où les opinions et les > jugements devraient tout mettre en oeuvre pour éclairer notre > décision. Ainsi, au moment où un texte exigerait l’explication pour la > compréhension claire de ses termes, assistons-nous à des joutes > verbales qui rappellent ces temps, connus des philosophes, où les > sophistes - pour leur plus grand profit - enseignaient l’art de > tromper comme art suprême qui permet de prendre le pouvoir. Aveugler > et rendre sourd est devenu un geste politique (en vérité l’élimination > de toute réflexion politique) afin d’obtenir la soumission de tous à > des dispositions - économiques qui menacent l’avenir social de > l’Europe. Et obscurcir l’expression, contredire en fin d’article ce > qu’on affirme dix lignes plus haut, mêler le lexique de la démocratie > à des dispositions strictement comptables et financières, faire peur > en prédisant le chaos, séduire en annonçant le paradis, - demander la > confiance en adoptant le ton de l’expert, humilier et mépriser en > considérant que toute demande d’explication et de débat est un signe > de débilité mentale ou d’infantilisme : tous les moyens de > l’intimidation et du marketing sont bons désormais. Puisque les > partisans du « non » se multiplient, il faut produire un nuage d’encre > et tirer les salves répétées de petits et de grands mensonges pour > semer le trouble, - donner le vertige et provoquer au moins une > abstention qui remettrait le « oui » en selle. > > La question : pour quelle Europe - votons-nous ? est donc devenue : > pour qui votons nous ? En quelle compagnie - choisissons-nous de > voter ? Ou encore voulez-vous ou non l’Europe ? Quand ce n’est pas : > voudriez-vous être exclus de l’Europe ? Pour ne pas parler du « que > pensez-vous des Turcs ? » Autant de fausses questions posées pour > occulter la bonne : est-ce que ceux qui veulent l’Europe se > reconnaissent dans les - Européens produits par ce traité ? > > Pour reprendre l’analyse d’Hannah Arendt lorsqu’elle s’interroge sur > la vérité dans la vie politique, il faut rappeler que les faits sont > têtus et que c’est seulement sur la base des faits, résistant à tous > les mensonges, qu’il faut, non pas faire valoir une vérité, mais > instaurer un vrai débat. Un vrai débat, c’est-à-dire non pas un débat > sur la vérité, mais - à partir des faits qui constituent la base > réelle du débat - une circulation critique de la parole afin de > trouver ensemble une solution valide pour la communauté. Et, ici, les > faits sont les textes du traité, auxquels il faut se rapporter et > qu’il faut analyser. Pourtant, c’est sur la réalité contenue dans ces > textes que les mensonges opèrent. Exemple : pendant des mois, les > partisans libéraux du « oui » ont demandé qu’on leur fasse confiance, > dissimulant par exemple les liens de la directive Bolkestein avec les > dispositions qui réglementeront la nouvelle Europe. Cependant, comme > nous le disions, les faits sont têtus et il a bien fallu reconnaître > la menace que contenait la directive. Qu’à cela ne tienne, on a alors > dénoncé la directive en affirmant dans le même mouvement qu’elle > n’avait pas le moindre rapport avec la constitution ! Mais, les > mensonges ont aussi pris le masque de la complexité. Argument : le > texte est compliqué et à toute question embarrassante l’oeil du > « oui » se fronce et vous dit que les choses sont beaucoup plus > complexes qu’il ne semble. Puis, le « oui » a fait la guerre aux > imbéciles. On fait même appel aux artistes, entendez aux permanents du > spectacle pour soutenir. Enfin, il nous a été argué qu’il était plus > dégoûtant de - voter « non », parce que Le Pen vote « non », que de > voter « oui » comme Chirac, qui vote comme Hollande - à moins que ce > soit le contraire, mais ils ne le savent plus eux-mêmes car Pascal > Lamy a été la cheville ouvrière socialiste de cette Europe-là.... Une > telle dégradation du débat - ramène à un triste souvenir : quand, en > 2002 on vota à droite pour éviter le triomphe de l’extrême droite. > Face à tant de mensonges, il faut redire haut et fort que choisir > l’Europe que l’on veut construire, ce n’est pas choisir des amis et > encore moins des complices contre des ennemis. C’est réfléchir à > l’ensemble d’une communauté en compagnie de laquelle nous puissions > vivre dans la paix et la justice sociale C’est choisir un monde. Si > nous votons « non », ce n’est pas en tant qu’adversaires de tous ceux > qui votent « oui », mais parce que nous pensons que parmi eux une > immense majorité vote contre son propre intérêt dans l’avenir. C’est > donc aussi avec eux que nous voulons vivre le mieux possible. C’est > eux que nous voulons convaincre de l’illusion dans laquelle ils > tombent, lorsqu’ils accordent au traité des vertus que notre lecture > ne lui reconnaît pas. Il faut que les travailleurs, les médecins, les > agriculteurs, les chercheurs, les créateurs, les enseignants prennent > conscience des dangers qu’ils courent dans le libre exercice de leur > profession si ce texte est accepté dans les termes où il est proposé. > > On voudrait nous faire accroire qu’il faut voter pour les dispositions > du libéralisme à tous crins pour éviter l’ultralibéralisme à tous > crins ; voter pour le traité qui met en place les mécanismes du marché > et de la concurrence sans entraves pour faire obstacle aux mécanismes > du marché sans entraves. Le citoyen veut l’Europe forte, juste et > sociale et on lui dit que le seul moyen d’y parvenir est de voter pour > une Europe formatée aux normes de l’OMC, qui serait, par un autre tour > de magie, le seul moyen de résister à Bush et aux néoconservateurs. > Nous sommes en pleines - ténèbres. Ce tissu de sophismes paradoxaux > n’aura qu’une conséquence. Parce que le citoyen devient perplexe, il > décidera de s’abstenir. > > Face aux assauts systématiques, renforcés chaque jour, d’une > information qui dit une chose et son contraire, où l’on voit les > adversaires les plus virulents de Chirac baigner dans les festivités > d’un accord consensuel, je citerai pour conclure une phrase d’Hannah > Arendt analysant les effets de la propagande mensongère : « Les > résultats de telles expériences effectuées par des hommes disposant > des moyens de la violence sont assez effrayants, mais ils ne disposent > pas du pouvoir d’abuser indéfiniment. Poussé au-delà d’une > certaine limite, le mensonge produit des effets contraires au résultat > recherché », et elle dit encore, ailleurs : « La liberté d’opinion est > une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce > ne sont les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. » > > Ceux qui vont voter « non » vont le faire, non seulement en pleine > connaissance des enjeux du traité, mais aussi à un double titre > politique. D’une part, ils veulent sauver les chances d’une Europe > politique qui ne soit pas l’objet d’un traité où nos échanges ne > soient conçus qu'en termes de marché. D'autre part, ils veulent qu'un > vote soit l'occasion d'un débat éclairé et respectueux des opinions de > chacun. Aussi, refusons-nous d'être les otages du mensonge et de la > menace. La manipulation du mensonge et de la peur est l'alliée de tous > les terrorismens et la base de toutes les dictatures. > > S'il s'agit, comme on nous le dit, de démocratie, alors que l'on nous > en convainc en changeant de méthode. < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : [email protected]