aris on Thu, 2 Dec 1999 09:11:34 +0100 (CET)


[Date Prev] [Date Next] [Thread Prev] [Thread Next] [Date Index] [Thread Index]

[nettime-fr] Geopolitique des sentiments


m u l t i t u d e s   o n   l i n e
....................................




    G�OPOLITIQUE DES SENTIMENTS
    (Note sur le concept de "perception collective"
    � l'aube du troisi�me mill�naire)




    Par Maurizio Lazzarato




Un des aspects les plus importants de la mondialisation en cours est celui
que l'on pourrait d�finir comme la "mondialisation de la perception".
La logique du processus de mondialisation de la perception est command�e et
organis�e � travers les technologies num�riques qui int�grent, en la
red�finissant, l'automatisation m�canique et �lectronique. Ce processus,
nous l'appellerons g�opolitique des sentiments, parce qu'il est con�u dans
les m�mes termes strat�giques que l'organisation productive, militaire, etc .

1. Le cin�ma et les masses

Le cin�ma est le sympt�me le plus �vident de l'introduction de la
forme-marchandise � l'int�rieur des pratiques artistiques et du public.
L'automatisation et la socialisation de la perception, introduites par le
capitalisme, trouvent leur premi�re vraie r�alisation dans le cin�ma et leur
sujet dans les "masses". Le cin�ma reproduit, avec les mouvements de la
cam�ra et le montage, le "choc" que la machine produit sur l'ouvrier et la
m�tropole sur ses habitants. L'introduction du mouvement et du temps dans la
production des images fait exploser "l'inconscient" et familiarise les
masses avec la perception du "psychopathe" et du "r�veur"
Le processus de production de la subjectivit� est organis� par des
dispositifs "technologiques" (machiniques), de la m�me fa�on que l'est la
"production mat�rielle" (la cha�ne de montage et la cha�ne des images
mont�es).

La perception collective d�termine une transformation radicale � la fois des
formes de production et de r�ception des oeuvres d'art. La mutation de la
"valeur d'exposition" de l'oeuvre d'art, n'est pas seulement due �
l'industrialisation de la production des oeuvres, mais aussi et surtout, �
l'activit� des masses qui veulent "s'approcher" de l'objet, r�duire la
"distance" qui les s�pare de l'oeuvre. La forme dans laquelle cette approche
se manifeste est celle de la perception collective "dans la distraction et
dans le divertissement". Ce mode de r�ception s'oppose radicalement � la
perception dans la "contemplation et le recueillement". "Celui qui se
recueille devant l'oeuvre d'art y plonge : il y p�n�tre comme ce peintre
chinois qui disparut dans le pavillon qu'il avait peint. Par contre, la
masse, de par sa distraction m�me, recueille l'oeuvre d'art en son sein,
elle lui transmet son rythme de vie, elle l'embrasse de ses flots." (1)
La perception collective "transforme le public en un expert". Cette mutation
est directement li�e selon Walter Benjamin aux formes de socialisation et de
coop�ration qui se constituent dans le "processus de travail". "En qualit�
de sp�cialiste qu'il a d� tant bien que mal devenir dans un processus de
travail diff�renci� � l'extr�me - et le fut-il d'un infime emploi - il peut
� tout moment acqu�rir la qualit� d'auteur. Le travail lui-m�me prend la
parole. Sa repr�sentation par le mot fait partie int�grante du pouvoir
n�cessaire � son ex�cution." (2)

La technique du film, comme celle du sport, invoque la participation du
spectateur en tant que "connaisseur", en tant "qu'expert". Le cin�ma (mais
aussi la presse et le sport) d�termine un mouvement de transformation
culturelle par lequel la diff�rence entre acteur et public tend � perdre son
caract�re unilat�ral. Cette diff�rence "n'est plus que fonctionnelle, elle
peut varier d'un cas � l'autre. Le lecteur est � tout moment pr�t � passer
�crivain." ()3

La transformation du public et de l'ouvrier collectif sont les deux faces
d'un m�me processus.

Benjamin voit dans les performances des dada�stes, qui opposent un public
distrait � la communaut� artistique qui se recueille et contemple, un
sympt�me important du changement de fonction de l'art. "Dans la distraction,
l'oeuvre d'art cr�e la secousse et m�me, le cas �ch�ant, n'est rien d'autre
que le pr�texte � un comportement actif des sujets." (4)
La production et la r�ception de l'art ne pourra plus se constituer
ind�pendamment de cette deuxi�me nature, de ses formes collectives,
technologiques et du r�le actif jou� par les masses. L'"interactivit�" des
technologies num�riques s'appuie et d�tourne une tendance de fond des
comportements et des attitudes induites par la m�canisation de la perception
collective.

Mais la perception collective, la perception des masses doit, selon les
avanguardes passer l'�preuve de la r�volution. Si dans la publicit�, l'art
et la "perception dans la distraction" font leurs preuves marchandes, dans
la r�volution elles feront leurs preuves "humaines". La perception
collective pose des probl�mes qui ne peuvent �tre r�solus que de fa�on
collective. La r�volution est, de ce point de vue, la tentative d'innerver
la collectivit� avec les "organes" que ces technologies de reproduction
m�canique fa�onnent. Si l'art devrait "permettre aux tendances, dont la
r�alisation a un effet destructeur sur les hommes, de conqu�rir leur droit
dans le monde des images" (5), la r�volution devrait les r�aliser en forme
collective. La qualification de ce processus est la "d�sint�gration du
prol�tariat en tant que masse, et sa constitution en sujet collectif qui,
seule, peut �tablir une "harmonie" entre les forces d�cha�n�es par la
technique et l'homme. La masse est la forme ali�n�e du sujet de la
perception collective. La tendance de l'individu" � se d�tacher de la masse,
n'ayant pas trouv� son expression dans la r�volution, elle a �t� exploit�e,
pr�cis�ment au niveau de l'image, dans la figure de la star.
La r�volution n'a pas eu lieu et la perception collective s'est r�alis�e
dans la masse qui a trouv� dans les cameras d'Hollywood et de Leni
Rifenstahl l'oeil qui lui convient :"Dans les grands cort�ges de f�te, les
assembl�es monstres, les organisations de masse du sport et de la guerre,
qui sont aujourd'hui offerts aux appareils enregistreurs, la masse se
regarde elle-m�me dans ses propres yeux." (6)


2. La t�l�vision et la m�tamorphose du public-masse.

Apr�s Auschwitz, qui a "assur� la mobilisation de la totalit� des moyens
techniques de l'�poque, sans en mettre en discussion la propri�t�", la
tendance de fond de la perception collective, proph�tiquement d�finie par
Benjamin dans le cin�ma, se r�alise dans un autre m�dia : la t�l�vision. Le
cin�ma ne repr�sente plus les conditions de la perception collective, et
tout discours qui ne veuille pas accepter ce d�veloppement (contenu
virtuellement dans le cin�ma) est proprement r�actionnaire.
Le cin�ma nous avait donn� une "deuxi�me nature" faite d'images. Mais cette
deuxi�me nature, ses caract�ristiques (l'"inconscient optique",
l'"ubiquit�", l"explosion du monde � travers la dynamite des dixi�mes de
secondes") �taient seulement repr�sent�es. Le cin�ma nous fait voir le
mouvement et le temps, parce qu'il travaille des images-dur�e. Mais cette
vision-repr�sentation a toujours lieu dans un temps diff�r�. Le cin�ma, �
cause de la particularit� de son dispositif technologique (la s�paration de
la prise de vue et de la diffusion, ou m�me, selon une suggestion de
Einsenstein, la s�paration du tournage et du montage) conserve encore la
distinction entre le r�el et l'image, entre l'actuel et le virtuel. La
t�l�vision nous fait entrer dans une autre dimension o� ces distinctions
n'ont plus cours. La raison fondamentale de ce changement r�side dans le
fait que la t�l�vision, fonctionnant en temps r�el, double le monde avec ses
images au moment m�me o� quelque chose se produit. Avec la t�l�vision, nous
sommes entr�s dans le "spectacle", dans l'indistinction de la chose et de
l'image, du r�el et de l'imaginaire, de l'actuel et du virtuel et de leur
renvoi et de leur �change continu. Avec le cin�ma nous sommes dans le
dimension du "choc" (dans le sens o� le choc est la "forme pr�pond�rante de
la sensation"), alors qu'avec la t�l�vision nous sommes dans la dimension du
"flux". Les images du cin�ma ont choqu� parce qu'elles ouvraient au monde de
l'inconscient optique, � un espace et � un temps au-del� du tournant de
notre exp�rience, � un monde fait d'images et de rien d'autre, mais en
maintenant toutefois la distinction entre le r�el et l'apparence, entre
l'actuel et le virtuel. Seul la "magie" de la salle de projection, o� se
c�l�brait le "culte" de ce nouveau monde, pouvait nous rendre prisonniers de
cette "illusion".

Le flux nous enveloppe : "noi andiamo in onda", comme l'exprime parfaitement
la langue italienne (litt�ralement nous allons sur les ondes, nous sommes
mis sur ondes). Il n'y a pas seulement les �missions de t�l�vision � "andare
in onda", mais tout le r�el, nous y compris. L'image ne nous choque plus,
parce qu'elle n'est plus externe � notre perception et que nous-m�mes sommes
des images. Seule la t�l�vision peut r�aliser cette indistinction de
l'actuel et du virtuel, de la chose et de l'image, que le cin�ma avait
annonc�e. Le cin�ma a introduit le mouvement et le temps dans l'encha�nement
des images (choc), mais la t�l�vision est le mouvement m�me de la
mati�re-temps (flux) et de sa modulation.

Si le cin�ma avait g�n�ralis� la "valeur d'exposition" de l'art, en la
d�multipliant � l'infini, mais en conservant toujours le lieu "public" du
"culte", la t�l�vision d�territorialise le lieu du culte dans un espace
"quelconque" qui lui enl�ve ainsi toute "valeur d'exposition". Ce qui est
expos� est l'indistinction m�me du monde et de l'image. La t�l�vision
conserve la forme collective de la perception (en en augmentant la
puissance) mais fait exploser la masse, d�truisant la salle de cin�ma
(ultime vestige de la fonction rituelle de l'art) et organisant la
simultan�it� de la perception dans le temps et non plus dans l'espace (nous
regardons tous le journal t�l�vis� au m�me moment mais dans des lieux
diff�rents). Socialisation de la perception et individualisation de la
r�ception vont de pair. Les r�seaux accomplissent la destruction du
public-masse, dans le sens o� ils introduisent une r�versibilit� entre
auteur et public, entre production et consommation, qui rende ainsi ces
fonctions hautement productives.

La r�ception a effectivement lieu dans la "distraction", car il n'y a plus
de lieu o� se "recueillir" ou, pour dire la m�me chose d'une autre fa�on, la
distraction est devenue la forme m�me de la perception. De toutes fa�ons que
peut �tre l'attention � l'image quand celle-ci n'est pas distincte de
l'objet qu'elle devrait d�crire ?

Le cin�ma de l'apr�s-guerre a parfaitement repr�sent� (et anticip�) cette
nouvelle dimension, en nous montrant une image directe du temps, o� on ne
peut plus distinguer l'actuel du virtuel. Mais, avec la t�l�vision, il ne
s'agit plus d'une repr�sentation, car elle est elle-m�me une image directe
du temps. "La vid�o c'est le temps". Le cin�ma n'est qu'un sympt�me
(important) de cette nouvelle dimension. Le cin�ma est une aventure de la
perception, alors que la t�l�vision est une aventure du temps.

La t�l�vision est un flux temporel ("direct t�l�visuel") coextensif au temps
de la vie, un flux encastr� dans le r�el. Nous ne faisons plus seulement,
comme au cin�ma, une exp�rience (en tant que voyants) de la perception du
temps, mais nous vivons dans le temps r�el du flux �lectronique : la
t�l�vision est une architecture du temps qui structure le mode avec lequel
nous l'habitons. 

La transformation du spectateur en expert (sa transformation en "auteur")
est radicalement ni�e par la centralisation et l'unilat�ralit� de la
diffusion. La caract�ristique interactive de la technologie vid�o est ni�e
par le monopole (�tatique et commercial) de la t�l�vision. La construction
de l'�v�nement impr�visible, cr�atif, est finalis�e par la reproduction du
pouvoir, en tant qu'"�v�nement" toujours �gal � lui-m�me.

3. L'ordinateur, machine de travail et de perception.

3.1. A l'�poque de l'informatisation, la diff�rence entre l'automatisation
de l'activit� du travail et l'automatisation de l'activit� perceptive qui
�tait encore sensible dans le cin�ma et la t�l�vision, s'amoindrit. A
travers la m�me machine (l'ordinateur) nous travaillons et percevons (de
m�me que nous jouons et communiquons ; l'�l�ment ludique introduit par le
cin�ma trouve ici son accomplissement). Nous ne r�ussissons cependant pas
encore � recueillir toute l'importance et � �valuer les cons�quences de la
radicalit� de cette reversibilit� du travail et de la perception. La
production de la subjectivit� du "travailleur" et la production de la
subjectivit� du "public" tendent � co�ncider. Les formes de production de la
perception de la sensibilit� collective semblent se superposer � celles de
la production �conomique et politique.

3.2. La production et la reproduction des rapports sociaux (dans l'�conomie
de l'information) s'approprient la m�thode des pratiques esth�tiques :
production de "singularit�s" et de nouvelles formes de subjectivit�,
construction de l'�v�nement et ouverture au processus de l'acte cr�atif,
rapport d'implication et de participation du "public". Cette int�gration de
l'esth�tique � l'�conomie, qui est dans le m�me temps une subordination (une
n�gation) de l'acte cr�atif aux logiques de la standardisation et de la
valorisation, est un sympt�me r�el d'un processus qui est all� au-del� de
celui que les avant-gardes des ann�es 60 avaient mis en lumi�re.
Dans ces conditions, la forme-marchandise tend � dispara�tre en autant
d'objets et � se transformer en une modulation, une individuation des
processus de production, de consommation et de "cr�ation" qui se socialisent
et s'int�grent dans un continuum de valorisations capitalistes. Cette
tendance est clairement exhib�e dans l'�conomie de l'information o� la
marchandise n'est rien d'autre qu'une modulation en variation continue de
l'interface homme-machine : actualisation de la virtualit� infinie contenue
dans les interfaces technologiques et sociaux. Cette actualisation n'est pas
pr�d�termin�e, mais ouverte � l'impr�visibilit� du rapport avec le
"mat�riel" et le "public" (consommateur).

3.3. La destruction du public-masse amorc�e avec la t�l�vision, trouve une
technologie adapt�e � sa finalit�. A travers un double mouvement, nous
assistons � la production de formes de subjectivit� toujours plus
standardis�es et s�rialis�es et � l'individuation toujours plus pr�cise des
marchandises, des besoins et des sujets. La technologie num�rique permet la
production infinie de services qui ne s'adressent plus � la masse mais aux
besoins individuels et sp�cifiques. Maximum de la socialisation et maximum
de l'individuation Ce double mouvement n'est pas contradictoire, mais se
produit dans une �troite d�pendance.

3.4. La forme de la perception collective se donne une forme toujours plus
temporelle (accentuant la "simultan�it� de la perception dans le temps"
propre � la t�l�vision). La communication en r�seaux  red�finit, en r�alit�,
un "lieu" r�el mais sans territoire (quel est l'espace d'une communication
t�l�phonique ?).

3.5. La promesse de la transformation du spectateur en auteur, que contenait
d�j� le cin�ma, semble se "r�aliser" dans les nouvelles formes de
perception-travail. La r�versibilit� entre auteur et spectateur devient
"hautement productive" En r�alit�, nous sommes en train d'assister � une
simple subordination de possibilit�s "interactives", contenues dans de
nouvelles formes de perception collective, aux formes de communication
unidirectionnelle : un simple transfert des journaux, de la t�l�vision et
des services et de leurs formes autoritaires de production-r�ception, en une
technologie qui permettrait au contraire une communication rhizomatique.

3.6. L'indistinction entre r�el et repr�sentation, entre actuel et virtuel,
que la t�l�vision contenait, devient, avec les technologies num�riques,
g�n�ratrice d'images, de sons, du travail de la pens�e. Les flux
informatiques ne se contentent plus de "dupliquer" le monde avec des images
comme faisiat la t�l�. Nous vivons "r�ellement" dans l'indistinction du r�el
et de la repr�sentation. Ceci ne veux pas dire que le monde ait disparu,
mais seulement qu'il est devenu plus artificiel. Ceci ne veux pas dire
(comme voudraient nous le faire croire les post-modernes) que notre capacit�
d'action et de responsabilit� est ni�e, mais qu'elle a au contraire
exponentiellement augment�e. Nous ne r�ussirons � le trouver nul part, parce
que le r�el est � cr�er. Le r�el (avec sa solide objectivit�) a disparu,
parce qu'il faut l'inventer. L'�thique est peut-�tre le seul moyen pratique
qui permette de "l'inventer". La mis�re et l'exploitation existent
certainement, nous avons certainement des perceptions et des sensations,
mais ce sont des "illusions" par rapport � "l'espace public" de la
mondialisation, unique principe de r�alit�. Il ne s'agit pas de rendre
visible ce qui est cach�,  refoul�,  mais de montrer ce qui n'existe pas
encore, de contribuer � la co-cr�ation du r�el.

Un nouveau r�alisme ne pourra �tre qu'un r�alisme constitutif, un r�alisme
de cr�ation. 

La mondialisation informatique nous montre que les pratiques artistiques ne
vivent pas dans le monde de la repr�sentation, de la rh�torique, d�tach�e de
l'activit� "r�elle", mais que ce sont des pratiques constitutives � la fois
du monde et du sujet.

4. La "r�sistance" aux nouvelles conditions de la perception collective.
Les nouvelles conditions de production de la perception et de la sensibilit�
collectives sont entre les mains de l'empire (l'imp�rialisme tel que nous
l'avons connu est en train de se transformer en un empire mondial). Les
nouvelles formes de production de la perception et de la sensibilit� sont
constitutives de l'empire : depuis la chute du mur de Berlin les militaires
am�ricains consid�rent les technologies informatiques comme le premier
�l�ment strat�gique du processus de r�organisation g�opolitique du monde .
Il ne s'agit plus seulement du pouvoir d'Hollywood sur l'imaginaire mondial,
mais d'une v�ritable hi�rarchisation du pouvoir et du contr�le qui passe �
travers la standardisation technologique de la communication.

Historiquement, l'empire a toujours �t� plus f�rocement tol�rant que l'�tat
nation (qui s'est construit sur la destruction "physique" de toutes les
minorit�s sacrifi�es � l'autel de l'identit� nationale). La balkanisation du
monde (entre le nord et le sud, un nord et un sud qui se reproduisent �
l'int�rieur m�me des territoires m�tropolitains) cr�e une condition de
porosit�, d�termine des interstices dans lesquelles s'est r�fugi�e une
pluralit� de formes de r�sistance. Au moins pour le moment, il semble que la
seule condition de survivance soit celle d'�tre nomade, transversal � la
balkanisation. La capacit� "d'�tre entre" (un �tat et un autre �tat, une
t�l�vision et une autre t�l�vision, une politique culturelle et une autre
politique culturelle, une litt�rature officielle et une autre litt�rature
officielle, etc.), de prendre ce qui sert en passant d'une situation �
l'autre, est aujourd'hui une pratique de r�sistance.

Si les luttes des sans papiers ont trouv� un large �cho, c'est parce
qu'elles repr�sentent le nomadisme, la transversalit�, la capacit� d'�tre
"entre", de passer d'une situation � une autre, qui sont, aujourd'hui, la
condition-aspiration de tous.

C'est sans doute le concept de "collectif "qui devrait �tre repens� et
trouver ainsi une nouvelle articulation entre les formes de la socialisation
(de la perception) et les processus de singularisation de la perception et
de la sensibilit�. Le mod�le des avant-gardes (la r�alisation des promesses
contenues dans les formes "collectives de la perception" � travers la
r�volution - la constitution d'un sujet collectif totalisant) n'est plus
envisageable dans les formes dans lesquelles nous l'avons connu.

5. Cr�ation et nouvelles conditions de la perception collective.
Comment produire des perceptions et de la sensibilit� qui, acceptant la
forme collective et socialis�e de la perception-production de la
mondialisation, se soustraient aux imp�ratifs du march� et de la
standardisation-individuation? La cr�ation du possible dans les nouvelles
conditions de la perception collective ne peut ignorer ce nouveau rapport
entre art, technologies et formes collectives de vie.

La fonction constitutive des pratiques artistiques implique que leur r�le
central ne consiste pas dans la narration d'une histoire mais dans la
cr�ation de dispositifs o� l'histoire puisse se faire. A l'int�rieur des
nouvelles conditions de la perception collective, la r�sistance se mesure �
la capacit� de construire des formes de subjectivit� diff�rentes de celles
de la mondialisation, comme le r�sume pour nous, une discussion entre F�lix
Guattari et le peintre Matta.

"- Quand tu parles de champs magn�tique - expression ch�re aux surr�alistes
- on se dit que le travail du peintre, du musicien, de l'auteur, du
cin�aste, etc., c'est essentiellement de mettre en place un dispositif quasi
exp�rimental. Tu reviens toujours � cette id�e de mise en place d'une sc�ne
o� peut advenir un m�tabolisme singulier . Pourquoi de tels dispositifs ?
- Pas pour d�noter quelque chose, pas pour exprimer des significations,
produire des m�taphores ou des d�veloppements cognitifs, mais pour
d�clencher une fonction existentielle, pour engendrer un certain mode
d'existence. Ce que tu appelles conscience... Car ce dont il s'agit, c'est
de produire, � travers une d�marche totalement artificielle, des dimensions
subjectives qui, sans ce dispositif, ne pourraient voir le jour. Cette
production, dans le cadre d'un agencement artistique, ne d�pend pas
seulement de ce qui se passe entre le peintre et sa toile, entre son
imagination et sa performance plasticienne. Elle d�pend, avant tout, de sa
fa�on d'intervenir dans la conscience de l'autre. Il peint avec ce qu'il y a
dans la t�te de l'autre. le peintre se produit lui-m�me comme subjectivit�
produisant la subjectivit� de l'autre. Mais quel autre ? Pas seulement celui
qui regarde sa toile, mais aussi tous ceux qu'il croise dans sa vie
quotidienne ou � travers des occurrences de toute nature  : m�diatiques,
politiques et sociales... Notre probl�me de subjectivit� d�borde alors celui
de la cr�ation plastique".


[ Ce texte a �t� publi� en italien dans la revue "Derive Approdi" ]



Notes
------

(1) Idem, pag. 167.
(2) Idem, pag. 158-159
(3) Idem, pag. 158.
(4) Idem, pag. 176.
(5) Idem, pag. 181.,
(6) Idem, pag. 169.


    .
    .
    .
    . 

/ b / u / g /

[email protected]

l o s t   i n   c y b e r s p a c e

    .
    .
    .








_______________________________________________
#<[email protected]> est une liste francophone de politique, art,
culture et net, annonces et filtrage collectif de textes.
#Cette liste est moderee, pas d'utilisation commerciale sans permission.
#Archive: http://www.nettime.org contact: [email protected]
#Pour vous desabonner de cette liste, suivez les
instructions sur http://ada.eu.org/cgi-bin/mailman/listinfo/nettime-fr
#contact humain : [email protected]